Berliner Beiträge zum Vorderen Orient
Band 24
Berliner Beiträge zum Vorderen Orient
Herausgegeben von
Dominik Bonatz
Eva Cancik-Kirschbaum
und
Jörg Klinger
Entre les fleuves – II
D'Aššur à Mari et au-delà
édité par
Nele Ziegler et Eva Cancik-Kirschbaum
2014
Gedruckt mit Unterstützung der Freien Universität Berlin
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detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.ddb.de abrufbar
© PeWe-Verlag – Gladbeck 201 4
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Beschryving van Asie, Amsterdam 1680
Gedruckt auf alterungsbeständigem Papier
Printed in Germany
ISBN: 978-3-935012-13-3
Inhalt
Nele Ziegler & Eva Cancik-Kirschbaum
Prolégomènes ........................................................................................
Prolegomena ..........................................................................................
9
13
Christoph Fink
Notiz zu den Karten ................................................................................
17
I. D'Aššur à Mari
I. Von Aššur nach Mari
Christophe Nicolle
Le triangle du Habur pendant la première moitié du
IIe millénaire av. n. è. Rythmes et nature des occupations ...................
21
Jean-Marie Durand & Nele Ziegler
Les soldats perdus de Karanâ ................................................................
49
Dominique Charpin
Une ville d'Apum au sud du Djebel Sindjar ...........................................
65
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume
des bords du Habur d'après les archives de Mari .................................
77
Antoine Jacquet
Eluhut, un royaume du Haut Pays. Une exploitation des
données textuelles paléo-babyloniennes de la base HIGEOMES ......... 109
5
Inhalt
II. Au-delà de la Haute-Mésopotamie
II. Jenseits von Obermesopotamien
1) Dossier
La documentation écrite concernant la localisation d'Akkade
Die schriftliche Dokumentation zur Lage Akkades
Nele Ziegler
Introduction ............................................................................................
147
Walter Sommerfeld
Die Lage von Akkade und die Dokumentation des 3. Jahrtausends .....
151
Nele Ziegler
Akkade à l'époque paléo-babylonienne ...............................................
177
William Pethe
Akkade in der mittelassyrischen Textdokumentation ...........................
191
Susanne Paulus
Akkade in mittelbabylonischer Zeit (ca. 1500-1000 v. Chr.) ................ 199
Lionel Marti
Akkad à l'époque néo-assyrienne ......................................................... 207
Reinhard Pirngruber
Die Stadt Akkad in den babylonischen Quellen
des 1. Jahrtausends v. Chr. .....................................................................
211
Bibliographie commune / Gemeinsame Bibliographie ........................
217
6
BBVO – Band 24
2) Dossier
La documentation épigraphique du Tell Sakka et
questions de géographie historique
Die schriftliche Dokumentation aus Tell Sakka und
Fragen zur historischen Geographie
Ahmed Taraqdji
Les découvertes épigraphiques du Tell Sakka ....................................... 231
Jean-Marie Durand & Faysal Abdallah
Deux documents cunéiformes retrouvés au Tell Sakka ........................
233
Boris Alexandrov
La reconstitution de la conquête hittite de la Syrie à
l'époque amarnienne : l'apport des textes de Tell Sakka ..................... 249
III. Toponymie et conceptions de l'espace
III. Toponymie und Raumkonzept
Ilya Arkhipov
Toponymie et idéologie à l’époque amorrite.
Les cas de Šubat-Šamaš et Ṣubat-Eštar ................................................. 267
Nele Ziegler
Le « coeur du pays » libbi mâtim ........................................................... 273
Eva Cancik-Kirschbaum
URUŠÀ.URU, māt DAššur und die Binnenstruktur des
mittelassyrischen Reiches ....................................................................... 291
7
Inhalt
IV. Résumés / Zusammenfassungen / Abstracts / ملخصات
Résumés ................................................................................................. 317
Zusammenfassungen ............................................................................. 323
Abstracts ................................................................................................. 329
ملخصات
.................................................................................................. 339
V. Indices
1. Toponymes anciens ............................................................................
2. Toponymes modernes .......................................................................
3. Cours d'eau .........................................................................................
4. Textes cités ..........................................................................................
5. Termes étudiés ...................................................................................
8
343
346
347
348
349
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume
des bords du Habur d'après les archives de Mari
Michaël Guichard
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / UMR 7192
Le royaume de Zalluhān ne compte pas parmi les « États » les plus importants de l’Ida-Maraṣ
(la région du Haut-Habur) et n’a que rarement fait parler de lui dans les « actualités » mariotes,
celles qu’a conservées l’abondante correspondance des rois de Mari, Yasmah-Addu puis ZimrīLîm. Ce fut d'abord un lieu de passage. Mais dans la mesure où Zakura-abu(m)¹, l'un de ses
dirigeants, était devenu le gendre de Zimrī-Lîm, ce petit pays connut un regain d'intérêt de la
part des autorités de Mari et ses lettres, dont l'une ARM XXVIII 79 est déjà bien connue²,
sont d'un grand intérêt pour la compréhension de la société et des institutions locales de l'IdaMaraṣ et, au delà, de la Syrie du Nord et du monde « amorrite ». Les principaux témoignages
sur Zalluhān proviennent de cette courte période pendant laquelle Zakura-abum exerça la
royauté sur une minuscule province. C'est donc principalement son « règne », dont plusieurs
aspects ont déjà été entrevus dans quelques études³, qui doit retenir l'attention du présent
article. Les informations antérieures au règne de Zimrī-Lîm sont relativement maigres.
Zalluhān fut à l'époque du dernier roi de Mari l'objet d'une dispute entre deux « clans »⁴ ;
¹ Il est possible qu'il faille prononcer *Sakura-abum
selon D. Charpin et J.-M. Durand, MARI 2, p.
. La présence de la mimation n'est pas obligatoire: za-ku-ra-a-bu-um (dans les lettres d'ItūrAsdu) ou simplement za-ku-ra-a-bu. Zakura-abī est
une variante du même nom propre et désigne toujours la même personne. Le personnage se nomme
lui-même Zakura-abum (FM VI 5 : ) ou Zakuraabu (ARM XXVIII 79 : ) ou bien Zakura-abī (cf.
ses lettres publiées ci-dessous qui appartiennent à la
même phase).
² Il faut compléter l'édition de J.-R. Kupper, Lettres
royales du temps de Zimri-Lim (ARM XXVIII), Paris,
1998, par les remarques faites ultérieurement : M.
Guichard, « Le Šubartum occidental à l’avènement
de Zimrî-Lîm », FM VI, Paris, 2002, p. ; J.-M.
Durand, « sagûm = “émigrer pour des motifs économiques” », NABU 2003/30 ; L. Marti, « Idéogrammes en désordre à Mari », NABU 2005/93.
³ Cf. M. Guichard, FM VI, 2002, p. - ;
« Lecture des Archives Royales de Mari, t. XXVIII :
Lettres royales du temps de Zimri-Lim », Syria 80,
2003, p. - ; « Le remariage d’une princesse
et la politique de Zimrī-Lîm dans la région du
Haut-Habur », RA 103, 2009, p. -.
⁴ Malheureusement le nom du père de Zakura-abum
nous est inconnu. Zimrī-Lîm considère les fils de
(H)abilim comme ses « frères » (ahhū). Dans l'état
77
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
celui de (H)abilim fut remplacé par un groupe rival représenté par Zakura-abum. Autant
qu'on puisse le savoir, celui-ci n'exerça son autorité sur Zalluhān que pendant quelques années
au milieu du règne de Zimrī-Lîm son suzerain. À sa mort, son héritier fut écarté par un
membre de la famille de (H)abilim en exil, Hatnammuru. Zalluhān fut dirigée par lui au
moins jusqu'à la fin du règne de Zimrī-Lîm. Même si Zalluhān était toujours sous la tutelle de
Mari, les liens avec Mari s'étaient alors quelque peu distendus.
De Zalluhān même ont été écrites des lettres par Zakura-abum, Inib-šarri son épouse et
Hatnammuru⁵. Nous présentons ici lettres inédites de Zakura-abum A.2822+ et A.3280.
Ces pièces s'ajoutent donc à ARM XXVIII 79 publié par J.-R. Kupper. Enfin, le fragment
M.5413 édité par J.-M. Durand⁶ qui peut désormais être attribué à ce même « auteur » est
repris ici-même. La qualité surprenante des lettres de Zakura-abum surtout comparée aux
messages plus modestes de Hatnammuru s'explique sûrement par les liens personnels étroits
qu'avait noués cet ancien chef bédouin avec la cour de Mari⁷.
Localisation et environnement géographique
Le nom Zalluhān⁸ désigne à la fois une ville et son pays⁹. Son territoire¹⁰ se situait dans la
vallée du Haut-Habur, et la ville aurait été proche du fleuve (a-ah ha-bu-ur)¹¹. Il semble qu'il
faille la rechercher entre le Wadi Zerkan et le Wadi Djirjib (et plutôt près de ce dernier selon
D. Charpin). Son territoire était une sorte de limite après laquelle, venant de l'Est, on quittait
les terres de l'Ida-Maraṣ. La partie méridionale du pays du Yapṭur(um) jouxtait Zalluhān. La
⁵
⁶
⁷
⁸
78
de nos connaissances, il est impossible de savoir si
ces gens appartenaient aux branches rivales d'une
même famille, ou bien si au contraire ils n'avaient
aucun lien de parenté entre eux. La précarité de la
position de Zakura-abum et certains détails de son
comportement suggèrent qu'il avait usurpé le trône.
Dès lors il pourrait être le représentant d'un groupe
bensimalite implanté très récemment à Zalluhān
ayant profité ou peut-être provoqué l'exil des descendants de (H)abilim.
Il s'agit des tablettes inédites : M.11008 et A.3095.
J.-M. Durand, Documents épistolaires du palais de
Mari II (LAPO 17), 1998, p. .
N. Ziegler & M. Guichard, « Yanûh-samar et les
Ekallatéens en détresse », J. Dercksen (éd.), Assyria
and Beyond (Studies presented to Mogens Trolle
Larsen), PIHANS 100, Leyde, 2004, p. -.
Pour l'étymologie discutée de Zalluhān, cf. M.
Bonechi, NABU 1994/96 (Salluhān de salāhum
« irriguer ») et J.-M. Durand, « Peuplement et sociétés à l’époque amorrite : (1) les clans bensim’alites »,
Amurru 3, Paris, 2004, n. (Sallu'ān « la
pierreuse »). La graphie qui prévaut est za-(al)-luha-an ki ; on trouve aussi za-al-lu-ha-a ki et za-al-luha-nim ki pour Zalluhānim dans les archives de Tell
Leilan ; za-lu-hi-im° (pour Zalluhum ; ARM XXVI/
1 33) ou zu-lu-ha-anki (LAPO 18 926) sont des
variantes rares (fautives?) ; pour ces références, cf.
M. Wäfler, Tall al-Ḥamīdīya 3. Zur historischen
Geographie von Idamaraṣ (OBO SA 21), Fribourg/
Göttingen, 2001, p. .
⁹ i-na ma-at za-al-lu-ha-an ki (inédit A.1984).
¹⁰ halṣum ; cf. ARM XXVIII 79 : .
¹¹ A.1053 : et ; le texte a été édité par D.
Charpin, « Un itinéraire paléo-babylonien le long
du Habur », E. Cancik-Kirschbaum & N. Ziegler,
Entre les fleuves – I. Untersuchungen zur historischen
Geographie Obermesopotamiens im 2. Jahrtausend v.
Chr., BBVO 20, Gladbeck, 2009, p. -. Une
édition en anglais se trouve dans « An Old Babylonian Itinerary along the Ḫābūr », H. Kühne (éd.),
Dūr-Katlimmu 2008 and Beyond, StCh 1, Wiesbaden, 2010, p. -.
BBVO – Band 24
notion de « Yapṭurum de la rive occidentale » mentionnée par Zakura-abum¹² ne se refère pas
nécessairement au Habur¹³, mais peut-être au Wadi Djirjib. Du reste l'expression tendrait à
indiquer que le Yapṭur(um) était divisé en deux régions par un cours d'eau. La rive dite
occidentale (aharātum) représentait en même temps la partie principale de ce pays (libbi
Yapṭurim)¹⁴, lequel avait frontière avec le Zalmaqum au nord-ouest. Dans les circonstances
décrites dans ARM XXVIII 79, on voit que cette dernière zone a été protégée par un cours
d'eau ainsi que sa vallée contre des nuées de locustes qui ravageaient les récoltes du pays voisin
de Zalluhān, donc sur la rive opposée à celle du cœur du Yapṭur(um)¹⁵. W. Heimpel a supposé
à partir de ces indications que Zalluhān était localisée sur la rive gauche (ou orientale) du
Habur¹⁶. Mais M. Forlanini et D. Charpin placent Zalluhān au contraire sur le rive droite
(occidentale)¹⁷.
Quoi qu'il en soit, Zalluhān était voisine de la ville de Tarnip, un fait documenté uniquement par l'itinéraire A.1053. Peu mentionnée, cette dernière est surtout connue pour être
une étape de la vallée : le voyageur venant de Mari (en passant par Qaṭṭunān) pouvait bifurquer à cet endroit pour rejoindre Ašlakkā¹⁸. C'était pourtant une ancienne capitale qui n'était
plus après le règne de Yahdun-Lîm que l'ombre d'elle-même et demeura un bastion d'Ašnakkum convoité par les Bédouins bensimalites¹⁹. Le déplacement dans le fond de la vallée
elle-même (hamqum ou aussi sans doute apqum) devait ne pas être très habituel car l'endroit
était sûrement peu peuplé²⁰, mal commode à cause de la végétation, des marécages et du
fleuve²¹. L'intérêt de passer par là était de se tenir à l'écart de la zone habitée de l'Ida-Maraṣ
parfois hostile et dangereuse. Ce chemin est bien connu des Bédouins bensimalites que l'on
¹² ia-a[p-ṭú]-rum ša a-ha-ra-tim. Pour aharātum ; cf.
CAD A/1 aḫarātu, p. , qui considère à la suite
de W. von Soden (« Zum akkadischen Wörterbuch. 31-40 », Or NS 18, 1949, p. -) que le
terme désigne la rive opposée « the far bank of a
river » « irrespective of orientation » ; néanmoins
aharātum signifie d'après J.-R. Kupper (confirmé
par J. Lewy, « Studies in the Historic Geography of
the Ancient Near East », Or NS 21, 1952, p. )
la « rive citérieure » (sur 'hr « être derrière ») par
opposition à aqdamātum (qdm « être devant »), la
rive « ultérieure » ; Correspondance de Kibri-Dagan,
ARMT 3, 1950, p. . Pour J.-M. Durand, c'est la
rive occidentale par opposition à l'agdamātum (celle
qui est devant soi, la rive orientale) ; M. Birot a
confirmé ce point de vue dans ARM XXVII, p.
n. b. J.-R. Kupper (ARM XXVIII, p. ) traduit
ainsi « le Yapṭur(um) sur la rive occidentale » ce qui
impliquerait que Zalluhān soit établie sur la rive
opposée. Mais est-il bien question du Habur ?
¹³ Faut-il exclure a priori une référence à un tributaire
du Habur, tel le Wadi Zerkan ou plutôt alors le
Wadi Djirjib d'après ce que l'on sait de la frontière
orientale du Yapṭur(um) ? La notion de rive gauche/
¹⁴
¹⁵
¹⁶
¹⁷
¹⁸
¹⁹
²⁰
orientale du Habur et du Hirmaš est attestée dans
l'inédit A.3990 : '-' : ha-nameš urdu-du-ka aqda-ma-tim [ša ha]-bu-ur ù hi-ir-ma-áš sa-ak-nu « Les
Bédouins tes serviteurs campent sur la rive orientale
du Habur et du Hirmaš. »
ARM XXVIII 76, : a-na li-ib-bi ia-ap-ṭú-ri.
Cf. W. Heimpel, « Moroccan Locusts in Qaṭṭunan », RA 90, 1996, p. -.
Cf. sa carte dans W. Heimpel, RA 90, 1996, p.
.
M. Forlanini, « Dall'Alto Habur alle Montagne
dell'Anatolia nel II millennio A.C. », Amurru 3,
Paris, 2004, p. n. et D. Charpin, BBVO
20, Gladbeck, 2009, p. .
Cf. J.-M. Durand, « Dûr-Katlimu / Šēḫ-Ḥamad,
How and Why ? Réflexion sur la logique d'une
frontière sur le Habur », H. Kühne (éd.), Dūr-Katlimmu 2008 and Beyond, StCh 1, Wiesbaden, 2010,
p. - et particulièrement p. -.
ARM XXVIII 103.
Qirdahat, Tarnip et Zalluhān seraient situées toutefois dans la vallée. Mais les deux premières étaient
sans doute en partie désertées au temps de ZimrīLîm.
79
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
voit servir de guides aux rois de Mari, à commencer par Yasmah-Addu. Il y a toutes apparences
que Zimrī-Lîm ait lui-même emprunté cette même route lorsqu'il se rendit avec son armée au
pays du Yamhad²². Il fut, comme Yasmah-Addu en son temps, conseillé et guidé par un
mer'ûm (Ibâl-El)²³. Le roi fit une étape à Zilhan²⁴, tandis que la suivante était en principe fixée
à Zahatum, lieu situé non loin du Hirmaš (Djaghdjagh) où il était prévu de retrouver les
Bensimalites du Nord venus rejoindre leur suzerain²⁵. Puis Zimrī-Lîm se rendit à Qirdahat (=
Qardahat) sur le Habur où il se réunit avec les rois de l'Ida-Maraṣ qui devaient l'accompagner
dans son périple²⁶. Enfin une lettre d'Ibâl-El évoque la possible venue des quatre rois [du
Zalmaqum] à Zalluhān²⁷. Il semble qu'il s'agisse du lieu de leur rendez-vous avec l'armée de
Mari en route vers le Yamhad. La situation politique dans l'Ida-Maraṣ n'était pas très favorable
à Zimrī-Lîm et l'insurrection générale couvait. Le chemin de la vallée peut donc avoir eu la
même logique de prudence qu'au temps de Yasmah-Addu²⁸. Nous ne savons pas si finalement
Yasmah-Addu emprunta cette route et si, à l'instar de Zimrī-Lîm, cet itinéraire avait été choisi
pour réunir les troupes vers le grand Ouest, à l'occasion du projet de la grande expédition vers
Qaṭna à laquelle Yasmah-Addu ne participa pas²⁹.
Un roi d'Ašlakkā, lors de la guerre contre les Élamites et leurs partisans, nous a laissé une
description de son parcours qui donne des informations complémentaires sur le contexte
géographique de Zalluhān³⁰. S'agissant cependant d'un déplacement militaire, il ne donne pas
un cheminement « linéaire ». Parti d'Ašlakkā, Ibâl-Addu se rendit à Nahur d'où il attaqua la
ville de Kālilu, non sans avoir traversé un cours d'eau (peut-être le Sârum à l'ouest de
Nahur)³¹. Cette victoire lui aurait permis de réunir une partie du territoire allant d'Isqum d'en
Haut (?)³² jusqu'à Šur'um. Il faut voir là une façon de décrire le pays du Yapṭur(um) du nord
²¹ Un des lieux dits en aval de Tarnip porte le nom de
²²
²³
²⁴
²⁵
²⁶
²⁷
Appārum « roselière » ou « marécage » (A.1053 :
) ; cf. D. Charpin, BBVO 20, Gladbeck, 2009,
p. .
P. Villard, « Un roi de Mari à Ugarit », UF 18,
1986, p. -.
D'après les inédits A.625 (transcription J.-M.
Durand) et A.3990, lettre acéphale mais appartenant au même dossier que le texte précédent.
P. Villard, UF 18, 1986, p. . Ibâl-El dans
A.3990 annonce l'arrivée de Zimrī-Lîm à Zilhan.
be-lí ha-da-nam i-na za-ha-tim ki iš-ku-nam « Mon
seigneur m'a donné rendez-vous à Zahatum »
(A.3990 : ').
Ce séjour est notamment attesté par des textes administratifs qui mentionnent des présents à HayaSūmu le roi principal de l'Ida-Maraṣ, cf. P. Villard,
UF 18, 1986, p. .
a-la-ak-šu-nu a-na za-al-lu-ha-an ki eš-me-m[a] « J'ai
appris leur venue à Zalluhān » (A.625 : -). Cette
information appuie l'idée que Zalluhān est à rechercher plus du côté du wadi Djirjib que du wadi Zerkan.
80
²⁸ Pour le problème du motif de cet itinéraire con²⁹
³⁰
³¹
³²
seillé, cf. D. Charpin, BBVO 20, Gladbeck, 2009,
p. -.
La lettre de Samsī-Addu à Yasmah-Addu (ARM I
85+ = LAPO 17 449) pourrait en effet donner la
suite de l'itinéraire de A.1053. L'itinéraire (la route
haute) suivant est donné : Qirdahat, Dēr, Malhatum, Tuttul … .
ARM XXVIII 62 et cf. M. Guichard, « Remarques sur ARM XXVIII 62 et la prise d’une place
forte », NABU 2005/99.
Cf. M. Guichard, « Un David raté ou une histoire
de habiru à l’époque amorrite », J.-M. Durand, T.
Römer & M. Langlois (éd.), Le Jeune héros. Recherche sur la formation et la diffusion d’un thème littéraire au Proche-Orient ancien, OBO 250, Fribourg/
Göttingen, 2011, p. .
La lecture ap-qí-im […] pour apqum « vallée » reste
toujours possible ; cf. J.-M. Durand, Amurru 3,
Paris, 2004, p. .
BBVO – Band 24
au sud. Fort de ce succès, ce roi gagna ensuite « Manhatum de Zalluhān », qui devrait donc
être une ville à la frontière du pays de Zalluhān. Posté à cet endroit et rejoint par les Bédouins
bensimalites commandés par Ibâl-El, il avait l'intention de s'informer sur l'état d'esprit des
gens de Zalluhān. Si ceux-ci se montraient amicaux, il comptait mener une incursion dans le
« territoire d'Ašnakkum », ce qu'il appelle « le pays du Sūmum ». Son périple peut donc l'avoir
conduit à longer soit le wadi Zerkan soit le Wadi Djirjib plus à l'ouest, pour atteindre la vallée
du Habur où se trouvait le royaume de Zalluhān ; puis de-là peut-être descendre la vallée pour
bifurquer à Tarnip et remonter avec les Bédouins vers le nord-est contre Ašnakkum (l'actuel
Tell Chagar Bazar ?).
Il est tentant de voir avec J.-R. Kupper dans Man(a)hatum une variante pour Mal(a)hatum³³,
ville connue comme étant une étape possible après Zalluhān³⁴. La précision « Manhatum de
Zalluhān » implique néanmoins l'existence d'au moins une seconde ville de ce nom. Nous
savons par un itinéraire décrit par Samsī-Addu que, s'il existait bien une Malhatum à l'ouest de
Qirdahat, elle se trouvait après la ville de Dēr donc assez loin de Zalluhān. Manhatum de
Zalluhān devrait dès lors désigner un autre lieu des environs de Zalluhān, peut-être sur la route
de Šur'um en admettant qu'Ibâl-Addu soit allé de Šur'um à cette Manhatum. Šur'um, dont la
localisation est également inconnue, est en tout cas à rechercher au nord de Zalluhān, sur la
berge orientale du Habur, très vraisemblablement sur le territoire du Yapṭur(um)³⁵, d'après
l'inédit A.2948 qui évoque les menées d'un chef de guerre local³⁶ qu'on voit (à l'inverse d'IbâlAddu) quitter Zalluhān pour rejoindre ce lieu³⁷. Elle est certainement dans les environs de la
ville de Gaššum d'après ARM II 1 = LAPO 17 645 qui les présente comme les lieux d'une
même zone où se trouve de l'eau. Or, le scheich de Gaššum, informé d'un péril menaçant
Zalluhān, alerta Zakura-abum alors en déplacement sur les bords du Balih, preuve d'une
relative proximité de Gaššum par rapport à Zalluhān³⁸.
³³ ARM XXVIII, 1998, p. et cf. les considérations
³⁴
³⁵
³⁶
³⁷
de J.-M. Durand, Amurru 3, Paris, 2004, p. .
ARM II 16 = LAPO 17 500 (d'Išme-Dagan à
Yasmah-Addu) : iš-tu za-al-lu-ha-an ki a-na ma-alha-tim ki at-ta-ši « Je viens de quitter Zalluhān pour
Malhatum. »
Mais D. Charpin la suppose située dans le Zalmaqum ; cf. D. Charpin, « La “toponymie en
miroir” dans le Proche-Orient amorrite », RA 97,
2003, p. . Si l'inédit A.2723 cité dans D.
Charpin et N. Ziegler, Florilegium Marianum V.
Mari et le Proche-Orient à l'époque amorrite : essai
d'histoire politique, Mémoires de NABU 6, Paris,
2003 (ci-dessous FM V), p. n. , établit
effectivement une relation entre Šur'ûm (= Šur'ā?)
et Nihriya cela ne prouve pas que la première ville
était dans le Zalmaqum.
Il s'agit de Samsī-Erah.
Inédit A.2948 : - : ù sa-am-si-e-ra-ah iš-tu za-allu-ha-an ki qa-du-um ṣa-bi-šu iš-še-em-ma a-na šu-ur-
imki i-ru-ub i-na šu-ur-imki pa-hi-ir « Or Samsī-Erah
a quitté Zalluhān avec sa troupe et il est entré dans
Šur'um. Il y a un rassemblement à Šur'um. » Pour
le contexte événementiel, cf. M. Guichard, OBO
250, Fribourg/Göttinen, 2011, p. .
³⁸ Cf. A.2822+, ci-dessous. ARM XXIV 32 fournit
également une indication approximative : les Mariotes perçoivent en ZL du bétail de différentes
localités en tant que taxe laqtum (cf. ARM XXIII
58). Le texte a conservé deux étapes (d'après le
revers de la tablette) : Admatum puis Kalbiya, villes
grosso modo situées dans les environs d'Ašlakkā au
nord-ouest de l'Ida-Maraṣ. À Kalbiya, sont perçus
deux bœufs de Šur'um et de la ville de Harbā (ARM
XXIII 58), cette dernière appartenant selon nous au
pays de Zalluhān. Compte tenu de ce que l'on sait
de la localisation d'Ašlakkā, il est possible qu'Admatum ait été sise sur le Sârum (Wadi Zerkan), si
on accepte la restitution suivante dans FM VI 9 :
' : [a-na ad-ma]-timki ša sa-ri-im. Comme l'a
81
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
Même si Zalluhān est à rechercher sur la rive droite du Habur (comme l'indique D.
Charpin, cf. n. ), le pays semble avoir eu des possessions sur la rive orientale du Habur. En
effet, Zakura-abum revendiqua la ville de Harbā détenue par le roi de Susā, capitale difficile à
localiser mais sûrement à la périphérie méridionale du royaume d'Ašnakkum³⁹. Plus tard, son
successeur Hatnammuru se plaignit de ce que sa ville de Harbē (= Harbā) fût occupée par
Samsī-Erah. Cet épisode doit être mis en relation avec la présence de ce même Samsī-Erah à
Šur'um (cf. ci-dessus), ce qui implique donc un empiétement du Yapṭur(um) sur un territoire
revendiqué par Zalluhān et que ce dernier avait bien du mal à contrôler. Il est même possible
qu'Ibâl-Addu, le roi d'Ašlakkā, lors de sa révolte contre Mari à la fin ZL , s'en soit emparé
temporairement car elle se trouve mentionnée dans une des listes de localités du royaume
d'Ašlakkā dressées par les Mariotes après la chute d'Ibâl-Addu⁴⁰. Harbā est mentionnée à côté
de la ville de Kalbiya⁴¹. En se basant sur ces documents et connaissant la localisation
approximative d'Ašlakkā (peut-être Kiziltepe comme l'a proposé D. Charpin⁴²), on peut
émettre l'hypothèse que les villes d'Admatum et Kalbiya se trouvaient le long du Sârum (wadi
Zerkan ?)⁴³ et de ce fait représentaient la zone d'extension méridionale d'Ašlakkā, tandis que
Harbē (le sens est « Ruine » et elle ne doit pas être confondue avec son homonyme du Sinjar)⁴⁴
a des chances d'avoir été proche de ce même wadi, non loin de la vallée du Habur, à la
jonction entre quatre grandes zones « politiques » locales, Zalluhān, Susā, le Yapṭur(um) et
même Ašlakkā.
Les rapports entre Zalluhān et la région désertique méridionale de la rive occidentale du
Habur nous sont presque inconnus. Mais il est probable que ses habitants tiraient profit de la
montagne du Djebel ‘Abd-el-Aziz où poussaient en abondance les térébinthes (buṭumtum)⁴⁵.
justement dit J.-M. Durand (Amurru 3, p. n.
), il n'y a pas de place dans la cassure pour
Malahatum. J'avais néanmoins d'emblée écarté dans
ma publication Admatum pour une raison qui ne
vaut plus aujourd'hui, le Sârum étant probablement
à identifier avec le Wadi Zerkan, c'est-à-dire que le
cours d'eau serait plus à l'ouest que ce que l'on
pensait auparavant. J.-M. Durand restitue [a-na aha]-tim ki ša sa-ri-im « sur les bords du Sârum » ([ana a-ha-ra]-tim ki serait aussi à envisager). Le déterminatif géographique suggèrerait plutôt un nom de
lieu, ville ou lieu-dit, mais les exceptions existent il
est vrai.
³⁹ M.5413. Pour sa localisation, cf. M. Forlanini,
Amurru 3, Paris, 2004, p. et , et M. Guichard, « Šuduhum, un royaume d’Ida-Maraṣ, et
ses rois Yatâr-malik, Hammī-kūn et Amud-pā-El »,
E. Cancik-Kirschbaum & N. Ziegler (éd.), Entre
les fleuves I. Untersuchungen zur historischen Geographie Obermesopotamiens im 2. Jahrtausend, BBVO
20, Gladbeck, 2009, p. .
82
⁴⁰ Sur le lien entre Harbā/Harbē et Ašlakkā, cf. déjà
D. Charpin, RA 97, 2003, p. -.
⁴¹ Inédit M.5885 : - : gu₄ [… h]a-ar-ba-aki, gu₄
⁴²
⁴³
⁴⁴
⁴⁵
[ka]-al-bi-ia-aki, [ša-la-at á]š-la-ak-ka-aki. Pour
Kalbiya, cf. aussi P. Marello, « Esclaves et reines »,
FM II, Paris, 1994, p. -.
BBVO 20, Gladbeck, 2009, p. .
Pour J.-M. Durand le Sârum serait à identifier avec
le Wadi Khanzir ; cf. J.-M. Durand, Amurru 3,
Paris, 2004, p. . J'ai proposé une autre solution :
« Sur l’identification du Sârum, affluent du Habur
et son implication sur la géographie politique du
Haut-Habur au temps de Zimrî-Lîm », NABU
2006/37.
D. Charpin, RA 97, 2003, p. -. L'identification entre la Harbē de l'Ida-Maraṣ avec Tell Chuera
identifiée à Harbū à l'époque médio-assyrienne est à
mon avis improbable.
Cf. FM III 19 qui met en parallèle Zal[luhān] et le
pays de Qā et Isqā.
BBVO – Band 24
L'appartenance politique de Zalluhān
Une lettre d’Itūr-Asdu montre qu’entre Ašnakkum (Tell Chagar Bazar ?) et Zalluhān se
trouvait Anamaššum, petit royaume sûrement dans l'ombre des rois d'Ašnakkum⁴⁶. Or,
d'après Ibâl-Addu, dans ARM XXVIII 62, le pays de Zalluhān jouxtait le pays de Sūmum
autrement défini comme « pays d'Ašnakkum » et, selon ce point de vue, n'en faisait
implicitement pas partie. Pourtant ARM XXVIII 79 qui décrit la réaction hostile des habitants
du Yapṭur(um) à l'égard de Zalluhān évoque une vengeance contre le Sūmum qui implique
que Zalluhān en faisait partie. Par conséquent, cette ville était de leur point de vue (repris par
Zakura-abum) à rattacher au pays de Sūmum / Ašnakkum. Étant à la périphérie sud-ouest du
Sūmum — tout en étant alors indépendante d'Ašnakkum, la capitale du Sūmum —, on
comprend qu'elle ait pu être parfois comptée comme composante du pays de Sūmum. La crise
de succession après la mort de Zakura-abum montre de fait qu'Ašnakkum nourrissait des
ambitions concernant ce pays.
Ce problème d'appartenance ou non à la sphère d'influence d'Ašnakkum était une question
à caractère régional. Pour les autorités (plus lointaines) de Mari, Zalluhān faisait simplement
partie du pays de l'Ida-Maraṣ (qui englobe le pays de Sūmum) et, à ce titre, son roi était
convoqué avec les autres rois de la région pour participer aux expéditions militaires de leur
suzerain. Zakura-abum lui-même en appelle aux autorités de l'Ida-Maraṣ (notamment HayaSūmu, roi d'Ilān-ṣūrā) pour régler les conflits auxquels il fit face. C'est là la marque d'une
forme de confédération politique. Pourtant Zakura-abum dans une de ses lettres remet en
cause le statut « idamarazéen » de son pays. Le roi de Mari aurait déclaré à Zakura-abum⁴⁷ :
« Zalluhān n'est pas/plus fils de l'Ida-Maraṣ, (mais) fils de Sim'al⁴⁸. » Parallèlement au déclin
⁴⁶ Inédit A.498.
⁴⁷ ARM XXVIII 79 : - : z[a-al]-lu-ha-an ú-ul
dumu i-da-ma-ra-aṣ [dumu si]-im-a-al.
⁴⁸ L'enjeu de cette déclaration est compris comme
étant de nature ethnique par J.-R. Kupper (ARM
XXVIII, 1998, p. ). Il s'agissait de définir le
régime de Zalluhān, son appartenance communautaire, ses droits (notamment) économiques et ses
relations avec Mari. Cette question de statut est
directement liée à la personnalité de Zakura-abum
et ses liens étroits avec les Bensimalites et le régime
de Zimrī-Lîm. Mais le problème est plus profond et
complexe, car il faut remarquer que la notion de
« fils de l'Ida-Maraṣ » étant opposée à celle de « fils
de Sim'al », l'Ida-Maraṣ est donc à cet égard mis au
même plan qu'une confédération tribale. L'IdaMaraṣ serait composé de tribus dont le Sūmum ; les
cités représenteraient des clans. Mais comme l'illustrent ARM XXVIII 79, l'ordalie de Šunhum et
Kiduh (ARM XXVIII 95) ou encore le royaume de
Qā et Isqā avec sa population benjaminite (FM VI
18), de nombreuses cités du Haut-Habur étaient
composées de groupes bédouins conservant leur
filiation tribale d'origine tout en étant bien intégrés
dans la structure politique régionale. Ce caractère
mixte de l'Ida-Maraṣ rend difficile de savoir si c'était
à l'origine une tribu sémite qui se serait implantée
dans le Habur entre la fin du troisième et le début
du deuxième millénaire ou bien si au contraire il
représente le fruit d'un processus inverse : une
structure politique composée de groupes hétérogènes (amorrites, hourrites) conçue essentiellement
pour défendre les intérêts communs contre les
adversaires extérieurs et qui aurait eu tendance à se
transformer en une véritable organisation tribale ou
à en prendre tout au moins les apparences. Comme
le nom même de l'Ida-Maraṣ « le côté du Difficile/de la Montagne », d'après l'étymologie proposée par J.-M. Durand, est clairement descriptif
(l'Ida-Maraṣ est de fait un pays de piémont), ce
second scénario nous semble le plus approprié. La
nature politique exacte de l'Ida-Maraṣ reste encore à
définir.
83
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
des villes des berges du Haut-Habur, existait une pression des Bensimalites sur les gens de
l'Ida-Maraṣ de cette zone (contestation de la frontière méridionale de Qā et Isqā ; perte du
statut de ville royale pour Qirdahat ; vers la fin du règne, les Bensimalites chassent de Tarnip le
roi d'Ašnakkum). Cette pression est aussi avérée pour le pays du Yapṭur(um)⁴⁹. Le rapprochement de Zalluhān avec les Bensimalites et par voie de conséquence avec Mari peut être
attribué à la prise de pouvoir de Zakura-abum. C'est lui qui imposa pour sa propre sécurité à
un de ses villages de prêter un serment de fidélité à Itūr-Mēr, le dieu polyade de Mari⁵⁰. Peu
après sa mort, les habitants revendiquèrent encore (sincèrement ou non) leur appartenance à
Zimrī-Lîm⁵¹. Néanmoins ce phénomène connaît ses limites : Zalluhān est bien restée une ville
de l'Ida-Maraṣ après la mort de Zakura-abum avec le retour au pouvoir de l'ancienne famille
royale.
Quelques éléments de la chronologie
Zalluhān est sans doute une fondation amorrite qui doit remonter au début du deuxième
millénaire lorsque villes et villages proliférèrent dans le Triangle du Habur⁵², mais son nom
n'apparaît dans les textes jusqu'à présent que sous le règne de Samsī-Addu et sa dernière
mention dans les archives de Šubat-Enlil est de peu antérieure à la campagne destructrice de
Samsu-iluna dans le bassin du Habur. Elle apparaît donc incidemment à l'époque éponymale
dans le contexte d'une campagne militaire d'Išme-Dagan, fils de Samsī-Addu. Ce fut le lieu
d'une grande bataille entre lui et une armée locale⁵³. Ce prince a décrit dans une lettre
inédite⁵⁴ les circonstances et l'issue du combat. Peu de temps après, il évoquait son départ de
Zalluhān et son arrivée à Malhatum⁵⁵ : « Depuis que j'ai remporté la victoire, j'ai rassuré le
pays et le voilà calmé. » Le plus intéressant est qu'il triompha d'une troupe de plusieurs
milliers d'hommes dirigés par Mutusqā et Habilim⁵⁶, lesquels furent capturés au cours du
combat. Or ce Habilim est très certainement le père de Hatnammuru, le futur roi de
Zalluhān. Ce dernier est en effet qualifié de « fils d'Abilim »⁵⁷. Cette mention étant liée à la
question de l'exercice de la royauté à Zalluhān, on en déduit que (H)abilim fut à un moment
⁴⁹ Cf. J.-R. Kupper, ARM XXVIII, Paris, 1998, p.
⁵⁰
⁵¹
⁵²
⁵³
84
n. .
A.3280 : ” (cf. ci-dessous).
ARM XXVIII 53 : '.
C. Colantoni, « Touching the void. The PostAkkadian Period viewed from Tell Brak », H.
Weiss (éd.), Seven Generations Since the Fall of
Akkad, Studia Chaburensia 3, Wiesbaden, 2012,
p. -.
J.-M. Durand associe cet épisode à la campagne
contre les Turukkéens ; cf. LAPO 17, 1998, p. .
⁵⁴ Il s'agit de M.5350+ signalé par J.-M. Durand (le
texte a été reconstitué par N. Ziegler qui doit
l'éditer ; je la remercie vivement de me permettre
d'en faire mention).
⁵⁵ ARM II 16 = LAPO 17 500.
⁵⁶ ha-bi-li-im (au nominatif dans le contexte).
⁵⁷ A.2627 : '-': ha-at-na-mu-[ru] dumu a-bi-li-im.
Cf. aussi l'inédit A.498. On doit donc rapprocher
la forme ha-bi-li-im de a-bi-li-im.
BBVO – Band 24
donné roi ou dirigeant du lieu. Hatnammuru, étant son héritier reconnu, avait tous les droits
à réclamer le trône de son père. (H)abilim a dû se révolter avec un prince de la région⁵⁸ contre
l'autorité de Samsī-Addu. L'hypothèse peut être faite qu'après la capture du rebelle, Sūmuhadu fut affecté provisoirement par l'administration du royaume de Haute Mésopotamie à
Zalluhān pour pallier localement la vacance du pouvoir⁵⁹.
La situation politique de ce pays à l'avènement de Zimrī-Lîm n'est pas encore documentée⁶⁰.
Pendant la guerre contre Ešnunna, une armée de Mari conduite par Yasīm-Dagan et le devin
Asqudum y fit une halte⁶¹.
C'est seulement après cette guerre, à partir du moment où commence à être attesté Zakuraabum en tant que roi de Zalluhān, que la situation de ce lieu s'éclaircit. Si le sort de (H)abilim
ne nous est pas connu, ses « fils » — dont Hatnammuru — se sont vus écartés de leur pays et
ont vécu en exil. Au milieu du règne de Zimrī-Lîm, les enfants de (H)abilim vivent dans le
territoire d'Ašlakkā⁶². Hatnammuru a pu aussi trouver du soutien auprès du roi de Susā, son
beau-frère⁶³. Ces princes en exil ne sont pas considérés comme des ennemis par le pouvoir
mariote qui a pourtant sûrement joué un rôle déterminant dans leur éviction du domaine
paternel⁶⁴. Il se peut que Hatnammuru ait été accueilli un temps à la cour de Mari⁶⁵.
La dot d'Inib-šarri qui épousa en premières noces Zakura-abum montre indirectement que
celui-ci était déjà installé en fin ZL (5/xii/ZL : ARM XXXI 59). Il n'est pas exclu que ce
mariage ait même été organisé à son avènement puisque c'est le roi de Mari qui l'avait, si l'on
en croit Zakura-abum, installé à la tête de ce pays⁶⁶. Il faut s'appuyer sur les renseignements
internes de la correspondance pour pouvoir dater les événements relatés par Zakura-abum ou
d'autres sources qui le mentionnent.
On le retrouve à plusieurs reprises parmi les rois de l'Ida-Maraṣ comme dans le texte
administratif ARM VII 199 (sans date) : Sammētar (Ašnakkum), Šūb-rām (Susā), Tamarzi
(Tarmanni)⁶⁷, Ila-Eštar (Šunā), Hammī-kūn (Šuduhum)⁶⁸, Yaphur-Lîm, Lîmī-Addu (Ana-
⁵⁸ Mutusqā dérive de Mūtu + Isqā, un petit territoire
⁵⁹
⁶⁰
⁶¹
⁶²
situé approximativement du côté de Nagar ; pour
les noms en Mūt+NG, cf. J.-M. Durand, « L'emploi des toponymes dans l'onomastique d'époque
amorrite. (I) Les noms en mut- », SEL 8, 1991, p.
-. Un tel nom nous suggère un prince originaire de Qā et Isqā, c'est-à-dire habitant non loin
des bords du Habur comme Habilim.
Inédit A.1984 : ul-li-ki-a-em i-na ma-at za-al-lu-haan ki ša-ak-na-k[u] « J'ai été installé (comme responsable) là-bas dans le pays de Zalluhān. »
Plusieurs noms de rois ou de princes du Triangle
du Habur des premières années de Zimrī-Lîm nous
sont connus sans que nous puissions encore les
identifier. Il n'est pas exclu que, parmi eux, il faille
chercher un roi de Zalluhān.
ARM XXVI/1 33.
Fait intéressant, Ibâl-Addu ne les a pas logés dans
⁶³
⁶⁴
⁶⁵
⁶⁶
⁶⁷
⁶⁸
sa capitale mais à sa frontière orientale : il évitait
ainsi une présence encombrante près de chez lui,
renforçait sa frontière par une aide bienvenue et
faisait de ses hôtes ses obligés. Il attendait sûrement
de ceux-ci une contrepartie si la chance tournait
favorablement pour eux comme ce fut le cas pour
Hatnammuru.
Cf. A.2822+ : .
L'attitude du roi à leur égard est évoquée dans
ARM XXVIII 62 et A.2822+.
D'après une allusion des habitants de Zalluhān ; cf.
ci-dessous.
« C’est mon Seigneur qui m’a installé dans mon
territoire » (A.2822+: ).
M. Guichard, « Les rois de Tarmanni(we) »,
NABU 2007/57.
M. Guichard, BBVO 20, Gladbeck, 2009, p. .
85
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
maššum), Zakura-abī⁶⁹ (Zalluhān), Kabiya (Kahat) […]. D'après ce document Zakura-abum
est contemporain d'Itūr-Asdu, visiblement déjà gouverneur puisqu'il figure en tête de liste. La
présence de ce dernier nous indique ainsi que le document n'est pas antérieur à ZL . Cette
liste de rois vassaux est proche de celle dressée par Ibâl-pi-El dans un de ses courriers à propos
des alliés envoyés dans le Sud-Sinjar : Haya-Sūmu (Ilān-ṣūrā), Sammētar (Ašnakkum), Šūbrām (Susā), Ibâl-Addu (Ašlakkā), Tamarzi (Tarmanni), Hammī-kūn (Šuduhum), YamudLîm⁷⁰, Lîmī-Addu (Anamaššum), Zakura-abum (Zalluhān). Cette même tablette mentionne
d'ailleurs Hammī-ēpuh, roi de Talhayûm, qui fut renversé au milieu du règne de Zimrī-Lîm. Il
est possible que le rassemblement d'une partie de ces roitelets soit évoqué par Išhi-Addu (ARM
XXVI/1 126). Il nous apprend que Zakura-abum, Ibâl-Addu, Yamud-Lîm et Tamarzi se
retrouvent chez Šūb-rām (Susā) au lieu d'aller à Ašnakkum chez Sammētar avec qui ils étaient
manifestement en froid. Notons que Sammētar est éliminé au début de ZL lors de
l'« invasion des Élamites ».
Les propres lettres de Zakura-abum donnent elles aussi des informations essentielles pour
la chronologie de l'histoire de Zalluhān. Sur les lettres que nous avons conservées de lui, on
reconnaît trois dossiers distincts (d'une part M.5413, A.2822+, A.3280 : tensions avec Susā,
coup d'État et insurrection des umšarhum ; d'autre part ARM XXVIII 79 : perte de la récolte
à cause des sauterelles et crise avec le Yapṭurum ; enfin M.5367 : envoi d'un corps expéditionnaire à Mari avec mention d'Inib-šarri) qui représentent autant de moments différents
de son règne. A.2822+ fait penser à un vassal installé depuis peu et qui demande à son roi de
faire le bilan de son année comme un fonctionnaire palatial. Le différend avec Šūb-rām de
Susā semble résolu d'après ARM XXVI/1 126 et le sujet est absent de ARM XXVIII 79⁷¹.
D'après ce document Zakura-abum aurait connu trois années successives de récoltes désastreuses, ce qui suppose qu'il a régné au moins trois ans⁷².
W. Heimpel a voulu mettre en relation ces trois années de malheur avec le nombre de saisons
où ce fléau aurait sévi également à Qaṭṭunān selon son analyse de la correspondance de son
gouverneur Zakira-hammu⁷³. Plusieurs arguments mettent en doute sa brillante reconstitution :
– Même s'il y a bien trois attaques distinctes qui seraient évoquées par le gouverneur (et on
peut le suivre sur ce point), la succession supposée de l'an et reste pure spéculation
comme il l'indique lui-même, puisqu'il envisage la possibilité de les permuter. Autrement
dit, sachant que Zakira-hammu occupe ses fonctions de la fin ZL à ZL , plusieurs
épisodes distincts de déprédations des « sauterelles » ont pu affecter sa province.
⁶⁹ var. de Zakura-abum.
⁷⁰ L'identité de son royaume n'est pas connue. Dans
la liste précédente on trouve à sa place Yaphur-Lîm :
est-ce l'indice que l'un a remplacé l'autre ? Mentionnés entre Anamaššum et Šuduhum, ils sont
manifestement des voisins occidentaux d'Ašnakkum.
86
⁷¹ Il est vraisemblable que la crise entre Zalluhān et
Susā trouva en partie sa résolution dans le départ de
Hatnammuru de la ville de Susā. On le retrouve
plus tard à Ašlakkā, cf. ARM XXVIII 53.
⁷² iš-tu mu -kam i-na qa-at er-bi-im, ha-al-ṣí e-bura-am ú-ul ⌈i ⌉-pu-úš-ma (ARM XXVIII 70: -).
⁷³ W. Heimpel, RA 90, 1996, p. -.
BBVO – Band 24
– ARM XXVII 26 qui correspondrait à la première année du fléau est contemporaine du
règne d'Atamrum (le roi d'Andarig). Celui-ci n'arrivant au pouvoir que vers ZL , la
lettre date soit de ZL soit de l'année suivante. Or cette datation est incompatible avec
la chronologie de Zakura-abum qui avait déjà disparu en ZL .
Un document administratif du palais de Mari atteste sa présence probable au palais au
début de l'an ZL ⁷⁴. Par ailleurs, la mise en ordre chronologique de la correspondance
d'Itūr-Asdu nous conduit à supposer que Zakura-abum est décédé dans les premières années
de son gouvernorat en ZL voire ZL ⁷⁵. Sa mort a fait l'objet de plusieurs courriers. Il a
d'ailleurs totalement disparu de la scène l'année de l'invasion élamite (qui se marque pour
nous par une inflation documentaire), époque à laquelle il est d'ailleurs officiellement
remplacé par Hatnammuru⁷⁶.
Zakura-abum n'a ainsi dû régner que de ZL à ZL ou soit ou années au total.
Le premier dossier sur Zakura-abum pourrait dater du lendemain de la guerre avec les
Benjaminites et Ešnunna comme l'indique l'édit royal visant à soulager les catégories sociales
apauvries, qui doit avoir été promulgué afin de marquer le retour à la paix après plusieurs
années de conflits (guerre avec Ešnunna et les Benjaminites). ARM XXVIII 79 devrait avoir
été écrite entre ZL et ZL .
Aspects internes du pays de Zalluhān
Les difficultés économiques et politiques que connut Zalluhān vers le milieu du règne de
Zimrī-Lîm sont évoquées par lettres de Zakura-abum. Puis sa mort plongea le pays dans une
nouvelle crise qui est surtout relatée par le gouverneur de Nahur, Itūr-Asdu⁷⁷. Ces événements
dramatiques permettent d'entrevoir les rouages internes de ce royaume.
Zalluhān dominait un réseau de villages (kaprātum ou le terme générique ālum)⁷⁸ et servait,
en cas de crise, de protection à leurs populations qui venaient s'y réfugier avec leur grain et
⁷⁴ A.3510 (ARM XXXII, p. ), mentionne un
Zakura-abum comme prud'homme dans le palais
de Mari. Certes il s'agit d'une fonction inattendue
pour un roi vassal, mais outre que l'on ne connaît
pas d'administrateur de ce nom à Mari, il est associé
dans cette opération à Ulluri, un personnage qui a
lui aussi joué un rôle dans les affaires de l'IdaMaraṣ.
⁷⁵ On doit ici modifier sur ce point la datation que j'ai
proposée dans « Le remariage d’une princesse et la
politique de Zimrī-Lîm dans la région du HautHabur », RA 103, 2009, p. .
⁷⁶ Si cette reconstitution chronologique est juste, elle
implique que la querelle entre Zakura-abum et
Hatnammuru empoisonna les affaires de Zalluhān
tout au long du règne du premier. En effet, ARM
XXVIII 53 (cf. note ci-dessous) montre que
Zakura-abum à la fin de sa vie continuait à se
plaindre auprès du roi de Mari de l'existence de son
rival.
⁷⁷ La lettre du roi d'Ašlakkā ARM XXVIII 53 appartient à ce dossier; elle est postérieure à la mort de
Zakura-abum.
⁷⁸ Cf. A.3280 ci-dessous. On ne peut se représenter ni
le nombre qu'ils étaient, ni la manière dont ils se
répartissaient géographiquement. Il semble d'après
les études archéologiques menées dans la région que
de tels établissements étaient installés le long des
oueds. On peut s'attendre dans le cas présent à ce
qu'ils aient été proches du Habur comme Zalluhān.
87
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
leur bétail. On peut penser, qu'à l'image d'une autre ville de l'Ida-Maraṣ, Šuduhum, la
majorité de la population rurale vivait dans ces villages plutôt que dans la capitale, emplacement de la demeure royale. Il est certain néanmoins que des maisons de particuliers étaient bâties
à proximité car l'une d'elles abrita la veuve de Zakura-abum (Inib-šarri) expulsée de son palais.
Au hasard des documents, les noms de deux petites localités ressortent : Aznibat et Manhatum.
Il faut en outre ajouter Harbā (une place forte frontalière ?) comme on l'a dit précédemment.
La population sujette du roi de Zalluhān (ou une partie d'entre elle) est désignée par le
terme particulier d'umšarhum. Zakura-abum parle de ses umšarhum (M.5413 : : lu₂ú-um-ša[a]r-hu-ia ; A.2822+ : : ú-um-ša-ar-hi-ia) ou sans marque de possessif des umšarhū (M.5413 :
: [lu₂]ú-um-ša-ar-[h]u). Le cas de ces personnes est abordé deux fois pour des raisons
différentes : M.5413 traite de l'émigration de ces derniers dans les pays voisins malgré un édit
royal (l'andurārum évoquée ci-dessus). Il s'agit donc de personnes qui sont tombées sous la
coupe d'un tiers (qui, éventuellement, se sont endettées auprès du palais de Zalluhān), ont
préféré se soustraire à leur(s) créancier(s) et ont recherché de meilleures conditions d'existence
ailleurs. Le notion de haBirūtum évoque en effet un départ volontaire, avec peut-être même
une connotation politique⁷⁹. L'andurārum, qui en principe devrait avoir permis la restauration
de leur situation localement, n'a pas suffit à les faire revenir. L'incident ne concerne que
quelques individus mais prend une tournure politique car ceux qui sont allés à Susā, au nordest de Zalluhān, sont visiblement retenus par les autorités locales. Dans la seconde affaire, les
umšarhum sont associés au vizir de Zalluhān et soupçonnés d'avoir conspiré en soutenant la
cause du rival de Zakura-abum, Hatnammuru. Le complot déjoué, seul le vizir est finalement
condamné. Le texte montre bien pourtant que les gens de Zalluhān sont suspectés d'avoir été
ses complices, mais Zakura-abum a l'intelligence de faire éliminer d'abord le chef du complot
l'isolant des autres conspirateurs. A.3280 confirme que des villages tel que Aznibat avaient
soutenu la cause du vizir. Donc, lorsque Zakura-abum mentionne ses umšarhum dans A.2822+,
il doit désigner les villageois dont faisaient partie les habitants d'Aznibat.
Les archives de Mari donnent la plus ancienne mention de cette catégorie sociale dont le
nom serait un emprunt au hourrite⁸⁰. D'après l'analyse faite ci-dessus, il semble que la
traduction par « esclave domestique »⁸¹ ne convienne pas du tout au contexte amorrite et la
notion de « sujet indigène » n'est pas non plus entièrement satisfaisante⁸². On remarque que,
d'après les quelques mentions qu'on a à Mari de cette population, elle est toujours localisée
dans le Triangle du Habur quoiqu'en principe elle soit susceptible d'être déplacée ailleurs⁸³. Il
⁷⁹ Leur présence à Ašnakkum et Susā confirme cette
dimension ; pour le thème des haBirum ; cf. mon
étude paru dans OBO 250, 2011, p. -.
⁸⁰ Cf. CAD U/W, p. ; T. Richter, Bibliographisches Glossar des Hurritischen, 2012, p. .
⁸¹ Pour ce sens, cf. K. Radner, Die neuassyrischen
Privatrechtsurkunden, SAAS 6, Helsinki, 1997, p.
-.
⁸² Cf. J.-M. Durand, LAPO 17, 1998, p. -.
88
⁸³ D'après ARM IV 86 = LAPO 17 772, Yasmah-Addu
a demandé à son père Samsī-Addu l'obtention
d'umšarhū et d'une troupe supplémentaire. SamsīAddu refuse et l'invite à utiliser des « déplacés »
(nasīhum). Ces umšarhum sont donc en l'occurence
sûrement des habitants de la région de Šubat-Enlil
où se trouvait le grand roi. Il s'agit visiblement
d'une population utilisable pour mettre en culture
des terres à Mari.
BBVO – Band 24
me semble qu'il s'agit d'une façon de désigner la population rurale sédentaire dans la zone du
Haut-Habur où d'ailleurs la présence hourrite est ancienne. Cette désignation peut être
comparée à celle de pabanhu(m) « montagnard » (paban=hu). Ces umšarhu(m) (qui n'étaient
pas nécessairement hourrites !) représentent peut-être un substrat local qui se distinguait des
populations bédouines installées plus récemment, lesquelles étaient moins stables ou enracinées
et peut-être moins expertes en agriculture. Le terme serait donc à interpréter comme les
« habitants de la plaine » par opposition aux montagnards (pabanhu) ? Il s'agissait d'une
population attachée à la terre, qui était majoritaire à Zalluhān. L'usage du possessif, « mes
umšarhum », illustre leur dépendance vis-à-vis d'un seigneur.
Les archives de Mari montrent que les habitants de Zalluhān (donc plutôt des gens des
bourgs voisins de la capitale) n'étaient pas toujours serviles et passifs. Ce sont les difficultés
économiques que rencontra Zakura-abum qui entraînèrent différentes formes de « rébellions ».
Ces tensions furent d'autant plus fortes que lui-même semble avoir souffert d'un défaut de
légitimité. Il y a également une réalité structurelle qui vaut pour tous les pays de la région : les
pouvoirs locaux ont une assise essentiellement populaire. Les potentats locaux, même dotés du
titre de roi et consacrés par les dieux régionaux, avaient un pouvoir limité par les institutions
de leur propre pays (au nombre desquelles il y avait bien entendu le Conseil des Anciens).
Zakura-abum renonce à appliquer lui-même la peine de mort, pourtant un droit régalien⁸⁴. Il
laisse l'assemblée du peuple mener l'exécution de sa propre initiative, pratique que l'on
retrouve à Urgiš (Tell Mozan) avec la lapidation publique⁸⁵ ou dans le sud Sinjar à Andarig
avec l'accomplissement, avec l'accord du roi, de la vendetta-niqmum à l'encontre d'un présumé
coupable⁸⁶. L'effet produit par l'astuce de Zakura-abum peut-être résumé par ce propos de S.
(Démare-)Lafont⁸⁷ : « La mise en scène de la mort publique procurée à un condamné n'a pas
seulement un but dissuasif ; elle est aussi un rituel politique, voulant exprimer de manière
emphatique la supériorité définitive du pouvoir, dont l'autorité avait été momentanément
affaiblie par le crime. » L'impact symbolique du supplice infligé collectivement à quelqu'un est
ici décuplé par le fait que ce « public », de sujet et témoin, est devenu juge et exécuteur. Le roi
céda à l'assemblée un pouvoir qu'elle pouvait effectivement très bien exercer dans cette région,
comme à Urgiš, afin de détourner de sa personne la tension qui régnait entre lui et ses sujets. Il
a déjoué le plan de ses ennemis en renversant les rapports : l'amour de ses sujets à son égard a
triomphé comme il le suggère dans A.3280.
ARM XXVIII 79 montre que Zakura-abum est impuissant à empêcher les départs de ses
sujets. La famine menaçant, une partie des habitants émigre pour raison économique vers le
Yapṭur(um) et le Zalmaqum. C'est surtout le fait qu'ils se rendent au Zalmaqum qui provoque
la colère des habitants du Yapṭur(um). Dès lors, non seulement Zakura-abum affronte une
⁸⁴ Sur ce sujet, cf. S. (Démare-)Lafont, « Un “cas
royal” à l'époque de Mari », RA 91, 1997, p. .
⁸⁵ M. Guichard, « La lapidation à Urgiš », NABU
2004/29.
⁸⁶ J.-M. Durand, « La vengeance à l'époque amorrite », FM VI, Paris, 2002, p. -.
⁸⁷ « Un cas d'exécution sommaire à Tuttul », FM VI,
Paris, 2002, p. .
89
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
crise frumentaire et l'anachorèse de ses sujets, mais il se retrouve pratiquement en guerre avec
son voisin malgré lui.
La lettre A.2943 illustre d'une autre manière les conséquences de la guerre (cf. ci-dessous)
et des mauvaises récoltes en évoquant la fuite des habitants des villages qui cherchent à
échapper à l'asservissement.
A.2822+ et A.3280 offrent cependant le cas le plus remarquable : les gens de Zalluhān, ou
du moins une partie d'entre eux, soutiennent secrètement le rival de Zakura-abum et sont de
mèche avec le vizir qui représente le monde du palais (s'il était d'ailleurs déjà en place avant
l'avènement de Zakura-abum, cela expliquerait ses liens avec Hatnammuru). Ayant déjoué le
complot de la manière qu'on a vu et ayant évité une attaque de Susā, Zakura-abum entreprend
de rétablir son autorité sur ses sujets en organisant ce que l'on pourrait appeler un « vote de
confiance » puis en obligeant les villages les plus récalcitrants à se soumettre à une prestation
de serment. La convocation de la population à Zalluhān était une initiative sans doute assez
banale, car rien que A.2822+ en mentionne deux différentes. La première a lieu lors de l'accueil
de Hatnammuru à Zalluhān, la seconde vise à régler, comme on l'a dit, la crise de confiance
entre le roi et ses sujets. Le peuple était donc convié aux grands événements politiques locaux
par le souverain et était de cette façon associé à la vie politique.
Zakura-abum semble avoir eu l'intention de discréditer Hatnammuru face à ses sujets (et
aussi par rapport au représentant du roi de Mari). Il a manifestement échoué car ce dernier a
profité de son séjour dans la ville pour préparer le renversement du roi grâce au capital de
sympathie dont il jouissait localement.
En revanche la seconde assemblée fut plutôt un succès : le prince réussit à fléchir l'opinion
de ses sujets et leur fit exécuter le vizir sans aucune forme de procès (était-il déjà aux arrêts ou
se laissa-t-il manipuler par Zakura-abum et surprendre par le retournement de la foule contre
lui ?). Cette exécution populaire (dont on possède d'autres exemples dans cette région comme
on l'a dit) eut un double effet : forcer les indécis à reconnaître l'autorité de Zakura-abum et
terroriser les plus récalcitrants. Si l'opinion des gens de Zalluhān concernant leur souverain
était incertaine, il est clair que Zakura-abum prit alors un grand risque en s'exposant à la
vindicte populaire. Cet acte courageux et énergique a dû décontenancer les uns et susciter
l'admiration des autres.
Il apparaît donc que la force de caractère du chef était un aspect déterminant pour que celuici puisse se maintenir. Il devait être capable de donner au moins l'impression de pouvoir
protéger ses sujets. Or Zakura-abum est parfaitement conscient de la précarité de sa situation.
L'exécution d'un bouc émissaire ne suffisant pas, il lui fallait se prémunir de toute révolte
ultérieure en imposant à ses sujets un engagement solennel qui les plaçait directement sous le
regard des dieux, en l'occurrence le dieu du serment de Mari (Itūr-Mēr)⁸⁸. En définitive, la
⁸⁸ Cf. J.-M. Durand, « Itûr-Mêr dieu des serments »,
S. (Démare-)Lafont (éd.), Jurer et maudire : pratiques politiques et usages juridiques du serment dans le
90
Proche-Orient ancien, Méditerranées 10-11, 1997,
p. -.
BBVO – Band 24
conclusion du roi que ses sujets l'« aiment », thème que l'on retrouvera plus tard dans les adê
assyriens (l'amour des sujets pour leur roi), puis ensuite dans le Deutéronome (avec transfert de
l'amour du suzerain terrestre vers le Dieu-roi), peut laisser dubitatif. Tout en voulant alerter le
roi de Mari sur la difficulté de sa position, il était également important pour lui de souligner sa
légitimité. On remarque que la prestation de serment va concerner surtout un village en
particulier, Aznibat. De cette façon Zakura-abum isolait le bourg le plus réfractaire, une
manœuvre employée aussi à l'encontre de son vizir. De plus, le choix de la divinité, celle du
suzerain et non la divinité locale dont nous ignorons l'identité, plaçait les habitants d'Aznibat
sous le regard direct de Mari, toute nouvelle rébellion contre Zakura-abum étant assimilée à un
parjure contre le dieu de Mari.
Sa disparition entre ZL et changea la donne. L'aigreur des gens de Zalluhān à l'égard de
Zakura-abum se révéla intacte et Inib-šarri, son épouse, en fit les frais⁸⁹. Le fils de Zakuraabum, son héritier⁹⁰, fut écarté, tandis que Hatnammuru fut appelé par les gens de Zalluhān
en pleine révolte. Les rois de l'Ida-Maraṣ, conduits par Sammêtar d'Ašnakkum, se rassemblèrent du côté d'Anamaššum avec l'idée de faire obstacle à la fronde. Mais la suite des
événements montre que Hatnammuru eut le dessus. Ibâl-Addu d'Ašlakkā qui soutenait la
cause de Hatnammuru rapporte la réaction des gens de Zalluhān et nous donne par là même
directement accès à la voix de ces habitants⁹¹. Les gens des villages (kaprātum) se sont rassemblés dans la ville, alors apparemment dépourvue de roi ou de chef mais qui demeurait le lieu
où étaient discutées et prises les initiatives politiques⁹² :
« Puisque Sammêtar nous a (déjà) “dévoré” (envahi ?) et que maintenant il (re)commence
à nous menacer, jamais nous ne nous rendrons à Ašnakkum. Nous appartenons à Zimrī-Lîm.
Celui qui auparavant … à Mari avait grandi d’une canne, ici-même nous le grandirons de
cannes. »
Ils rejettent ainsi l'arbitrage de Sammêtar, à l'égard duquel Zakura-abum ne semble pas avoir
eu d'hostilité particulière ou du moins pas aussi nette qu'avec d'autres de ses voisins. Sammêtar
pourrait avoir eu en effet l'intention de profiter de la crise pour mieux lier Zalluhān au pays de
Sūmum. Bien qu'ils se disent au service de Zimrī-Lîm⁹³ nous savons par les rapports d'ItūrAsdu et un témoignage d'Inib-šarri qu'ils expulsèrent la famille de Zakura-abum, un fidèle
serviteur du roi de Mari. La mystérieuse image finale désigne peut-être Hatnammuru, qui
aurait vécu à la cour de Mari mais serait promis à devenir un grand roi en venant à Zalluhān.
En définitive, ce sont bien les habitants de Zalluhān (les Anciens⁹⁴ ou l'assemblée du peuple)
qui ont choisi leur chef.
⁸⁹ Cf. RA 103, 2009, p. -.
⁹⁰ Son nom ne nous est pas encore connu.
⁹¹ ARM XXVIII 53. On ne peut savoir à quel point
Ibâl-Addu reproduit fidèlement ces propos. Notons
que lui-même doit sa position au roi de Mari.
⁹² ARM XXVIII 53 : '-' : qa-du-ma Isa-am-me-e-tar
i-ku-la-an-né-ti, ù i-na-an-na i-da-ti-ni ir-ṭú-ub
sà-ha-ra, mi-im-ma a-na aš-na-ki-im ki ú-ul ni-la-ak,
ša zi-i[m]-ri-li-im ni-nu-um°, š[a p]a-na-nu-um ⌈x x⌉
[i-n]a ma-ri ki, qà-na ir-pí-šu i-na-an-na, [an-na-n]uum qà-né-e nu-ra-pá-aš-š[u].
⁹³ L'intervention d'Itūr-Asdu dans cette affaire qui
consista simplement à protéger Inib-šarri indique
une apparente neutralité des autorités de Mari.
⁹⁴ Leur rôle est mentionné à l'époque éponymale :
ARM II 16 = LAPO 17 500.
91
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
Les lettres
n°1 : M.5413
Zakura-abī (= Zakura-abum) au roi. L’auteur réclame la restitution de ses umšarhum retenus
par le roi de Susā.
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a-na be-lí-ia
qí-bí-ma
um-ma [za-ku-r]a-a-bi
[urdu-ka-a-m]a
[i-t]a ?-⌈ti⌉-i[a ? Išu-u]b-ra-a[m i-da-ab-ba-ba-a]n-ni
⌈ù⌉ be-lí i-di [ni-ši m]a-a-tim ka-l[i-ši-na]
be-lí uš-te-še-e[r] ù i-na ši-pí-[iṭ be-lí-ia]
[lu₂]ú-um-ša-ar-[h]u a-na ha-BI-ru-⌈tim⌉
[ú-u]l uṣ-ṣí i-na-an-na
⌈?⌉ lu₂ú-um-ša-[a]r-hu-ia i-na ha-la-aṣ
⌈aš⌉-na-ki-im ki [ù] lu₂ú-um-ša-ar-hu-[ia]
[it-t]i Išu-ub-[ra-a]m iš-tu lu₂ú-[um-ša-ar-hu-ia]
[it-ti-šu (?)] ú-ul° i-na-ad-di-[nam-ma]
[a-li (?) ha]-ar-ba-a ki ú-ka-[al]
[lu₂ šu-ú e-l]i-ia da-an
[šum-ma] li-ib-bi be-lí-ia
[li-wa]-⌈ad ?⌉-di-šu
[…-b]i ?-lam
[… -r]a ?-aṣ
(Suite perdue)
¹⁴ Dis à mon seigneur, ainsi parle [Zakura]-abī, ton serviteur.
⁵ Šūb-rām me [conteste ma fron]tière : ⁶ mon seigneur (le) sait déjà. ⁶⁷ Mon seigneur a restauré
(la situation) de tous [les gens] du pays. ⁷⁹ Grâce au décret [de mon seigneur] aucun umšarhum
n’est parti en émigration. Maintenant (pourtant) ¹⁰ ? de mes umšarhum sont dans le territoire
¹¹ d’Ašnakkum [et] de mes umšarhum ¹² sont auprès de Šūb-rām. Depuis que [mes]
umšarhum ¹³ [(sont) auprès de lui], il ne veut pas [me (les)] (re)donner [et] ¹⁴ [il] détient [ma
ville] de Harbā. ¹⁵ [Cet homme] est plus fort que moi. ¹⁶ S’il plaît à mon seigneur, ¹⁷ [il
faudrait] qu'il lui donne un avertissement. […].
Note : ce texte fragmentaire a été édité par J.-M. Durand dans LAPO 17, p. à propos du terme umšarhum. Le
texte a pu être collationné à partir de l'original et sur photo. La lecture « [i]m?-a-bi » pour le nom de l'auteur doit
être abandonnée. Si la lecture du signe ra n'est pas assurée, en revanche le contenu de la lettre est à rapprocher de
celle de Zakura-abum A.2822+ (cf. ci-dessous). On y retrouve les thèmes de la rivalité entre ce roi de Zalluhān et
Šūb-rām et celui des umšarhum. L'écriture des deux textes se ressemble.
92
BBVO – Band 24
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Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
l. : là où je propose de lire ti, J.-M. Durand a lu na. Ce qu'il a lu avec interrogation za pourrait être l'attaque des
clous horizontaux au bas du signe ia. Le pronom enclitique du verbe interdit à ma connaissance la restitution du
verbe sahārum. La présente hypothèse s'appuie sur A.3280 : '-' : ú a-na ri-qa-tim Išu-ub-ra-am ú-da-ab-ba-ba-an-ni.
l. - : restitution de J.-M. Durand. L’auteur de la lettre doit faire référence à une andurārum proclamée par le roi
de Mari. Le sens de « pays » est ambivalent compte tenu du problème du statut de Zalluhān (discuté ci-dessus)
mais désigne au minimum son territoire (ou peut-être faut-il entendre tout l'Ida-Maraṣ en tant que māt IdaMaraṣ). On relèvera dans la lettre suivante, A.2822+, , la distinction entre « son pays » (Susā) et le « Pays »
(Zalluhān ou l'Ida-Maraṣ ?). La suite montre que la mesure a empêché (ou semble-t-il plutôt limité) l'émigration
sociale. Sur l'andurāru, cf. D. Charpin, Writing, Law, and Kingship in Old Babylonian Mesopotamia, Chicago/
London, 2010, p. -.
l. : pour umšarhum, cf. le commentaire ci-dessus.
l. - : la compréhension de ce passage est incertaine car ištu annonce une subordonnée plutôt que la préposition
(« sur mes umšarhum » ?). À cause de la négation ul J.-M. Durand a proposé une autre compréhension : « (autres)
û. ‘ont bu avec Šūb-rām’ ». Mais il a opté pour une traduction : « Depuis que Šubram ne veut pas les rendre, il les
garde dans Harbâ… » Sur l'alternance ul/lā à Mari N. Wasserman fait cette remarque : « It appears that the
grammatical rules that distinguished between ul and lā were less strictly applied in Mari than in central Babylonia,
where schooling and letter writing were more standardized » ; cf. Most Probably. Epistemic Modality in Old
Babylonian, Languages of the Ancient Near East 3 (ci-dessous LANE 3), Winona Lake, 2012, p. . J'ai privilégié
toutefois la suggestion que m'a faite N. Ziegler de restituer une phrase nominale dans la relative.
l. : Hatnammuru (le successeur de Zakura-abum) revendique la possession de Harbē (= Harbā), ce qui indique
que la ville appartenait à Zalluhān ; cf. A.3095 : et - : ⌈a⌉-l[i ha-ar-b]é-eki ⌈ú⌉-[ka]-al (…) a-lam ha-ar-bé⌈e⌉[ki], li-wa-aš-še-er = « (Samsī-Erah) détient ma ville de Harbē. (…) Qu'il libère la ville de Harbē ! »
l. : on peut mettre en parallèle cette ligne avec ce que dit Zakura-abum dans A.2822+ : : a-na-ku e-li-ku-nu-ú
da-an-na-ku. Néanmoins différentes traductions pourraient être proposées. On pourrait comprendre par une
interrogative « est-il plus puissant que moi ? »
n°2 : A.2822+M.13575
Zakura-abī au roi. Z.-a. se plaint du soutien apporté par Šūb-rām à Hatnammuru son rival. La
tentative royale de réconciliation entre Hatnammuru et lui-même a échoué. L'homme quoique
bien accueilli à Zalluhān est reparti chez Šūb-rām après s'être abouché avec le vizir. Sachant
que Z.-a. s'était éloigné de Zalluhān, Šūb-rām a envoyé une armée pour s’emparer de la ville.
Toutefois Z.-a. a été averti assez tôt pour passer des ordres aux gardes de Zalluhān. L’effet de
surprise perdu, l’armée de Susā s'est retirée d'elle-même. À son retour, Z.-a. a réuni ses sujets et
les a convaincus d'exécuter eux-mêmes le vizir qui a trahi. À cause de l’insécurité, Z.-a. réclame
une intervention des principales autorités de l’Ida-Maraṣ et une inspection accomplie par un
agent du roi.
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[a-na] be-lí-ia qí-bí-ma
[um-m]a za-ku-ra-a-bi urdu-ka-a-ma
[i-na pa]-ni-tim-ma ṭup-pa-am a-na ⌈ṣe⌉-er be-lí-ia
[ú-ša-b]i-lam um-ma a-na-ku-ma Iha-at-na-am-mu-ru-ú
[be-el a-w]a-ti-ia a-na ⌈su⌉-sa-a ki it-ta-la-ak
[ù ? Išu]-ub-ra-am munus a-ha-as-sú a-hi-iz
BBVO – Band 24
[a-wi-lam (?) a-na m]e-eh-ru-ti-ia it-ta-na-aš-še-šu
ṭe[₄-ma-am an]-né-em a-na be-lí-ia aš-pu-ra-am
ù aš-šum a-na be-lí-ia aš-pu-ru Iha-at-na-am-mu-ru-ú
10
a-na ṣe-er be-lí-ia a-na ma-ri ki il-li-kam-ma
ša e-li-šu ṭà-bu a-na be-lí-ia id-bu-ub-ma be-lí it-ti
Idda-gan-kur-ni Iha-at-nam-mu-ru ú-ša-⌈re⌉-[e]m um-ma-a-mi
12
a-li-ik it-ti Iza-ku-ra-a-bi su-li-im-šu
14
ù be-lí ki-a-am iš-pu-ra-am um-ma-a-mi a-nu-um-ma a-ha-ka
ú-ut-te-er-ra-kum iš-tu u₄-mi-im an-ni-im la ta-na-’ì-id
16
ù li-mu-ut-ti Išu-ub-ra-am la ta-ša-ap-pa-ra-am
aš-šum be-lí iš-pu-ra-am um-ma a-na-ku-ma Idda-gan-kur-ni urdu be-lí-ia
18
sà-an-qa-tim li-mu-ur ha-al-ṣí ú-pa-hi-ir-ma
a-na-ku ù Iha-at-nam-mu-ru ni-sà-ni-iq ù a-pa-li ú-ul i-il-i
20
aš-šum be-lí ú-te-ra-aš-šu gu₄ anše še gan₂ a-ša₃ še-numun
ad-di-in-šu° ù um-ma a-na-ku-ma ma-ah-ri-ia ši-ib-ma
22
a-ka-lam ù ša-ta-am e-pu-úš
a-wi-lum šu-ú u₄ -kam ma-ah-ri-ia ú-ši-ib-ma
24
[gu]₄⁹⁵ ù še il-qí-⌈ma⌉ a-na ṣe-er Išu-ub-ra-am it-tu-úr
[ú]-ka ú-zu-un-šu a-na ša-ni-tim-ma ša-ak-na-at
26
[a-na] qa-bé-e be-lí-ia ú-ul im-gu-ur i-na u₄-mi ša ha-at-nam-mu-ru
[ma-ah-ri-i]a [wa-aš-b]u it-ti lu₂šu-ka-al-li-ia <ú ?> ú-um-ša-ar-hi-ia
28
[aš-šu-mi-i]a? id-bu-ub ù iš-tu u₄-mi ša-a-tu
[ha-al-ṣí da-li-ih (?)] ù aš-šum be-lí iš-pu-ra-am
30
[o o o o o o o o o i]d-bu-bu-nim
[me-he-er ṭu]p-pí-ia ú-ul [il-li-kam-m]a a-na iškur ša za-al-pa-i-im ki
32
[a-na siskur₂ (?)]-⌈re⌉ al-li-ik i-n[u-ma i]š-tu za-al-lu-ha-an ki
[ú-ṣú-ú-ma š]u-ub-ra-am li-i[m ṣa-b]a-⌈am⌉ ik-[ṣú]-⌈ur⌉-[ma]
34
[um-ma-a-mi] a-lam za-al-lu-ha-an ki i n[i-iṣ-ba-at]
[o o]-ni ṣa-bu-um ša šu-ba-tim a-na [pa-an a-lim na-du il-li-ik]
T. 36 [diĝirlum] ša be-lí-ia e-li-ia iz-za-a[z iš-tu su-sa-a ki (?)]
[lu₂]na-ṣí-rum ú-ṣé-[e]m ù Isà-a[h-la-ba-nu]
38
lu₂ ga-aš-ši-im ki iš-pu-r[a-am-ma]
R.
ṭe₄-mi aṣ-ba-at a-wi-lum [šu-ú (?) šu-ba-tam]
40
id-di
-[am]
ù a-na-ku a-na zid₂ ṣú-di š[a h]a-na meš [ap-la-ah]
42
šum-ma-an lu₂na-ṣí-rum la il-li-[ik]
⌈ù⌉ Isà-ah-la-ba-nu la i-[ša-p]a-[r]a-[am]
8
⁹⁵ Il n'y a pas beaucoup de place mais on ne voit pas
quelle autre restauration proposer.
95
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
44
[im ?-ma]-⌈ti⌉-⌈ma⌉-⌈an⌉ ⌈an-ni⌉-i[š ? za]-al-lu-ha-an⌈ki⌉ [ṣa]-bi-it
[a-na a-li-ia ki aš-t]a-pa-ra-am i-na a-lim ki
46
[o o o o o ma-ṣ]a-ra-tum da-an-na-ma
[lu₂na-ak-rum mi-im]-ma e-pé-ša-am ú-ul i-il-i
48
[ṣa-bu-um i-na pa-an a-l]im šu-ba-tim na-di iš-tu mi-im-ma
la ⌈ú⌉-[o o o it]-bi-ma i-na ma-aṣ-la-lim ṣa-bu-um šu-ú
50
a-na ma-⌈ti-šu⌉ it-ta-la-ak ù ma-a-tum i-na-aṭ-ṭà-al
i-na ša-ni-im u₄-mi-im a-na za-al-lu-ha-an ki e-ru-ub-ma
52
ha-al-ṣí ú-pa-hi-ir-ma ki-a-am ad-bu-ub-šu-nu-ši-im
um-ma a-na-ku-ma am-mi-nim i-ta-ti-ia ta-sa-ah-hu-ra
54
ù ma-at-ku-nu tu-ha-al-la-qa a-na-ku e-li-ku-nu-ú da-an-na-ku
šum-ma ú-ul be-el-ku-nu a-na-ku qí-bé-nim-ma lu-ut-ta-la-ak
56
ù na-pí-iš-ti lu-ú ša-al-ma-at ha-al-ṣí ki-a-am i-pu-la-an-ni
um-ma šu-nu-ma ša it-ti be-el a-wa-ti-ka i-da-ab-bu-bu
58
ṣa-ba-at-ma na-pí-iš-tam du-uk um-ma a-na-ku-ma a-na-ku ú-ul a-da-ak
šum-ma ⌈i⌉-ša-ri-iš it-ti-ia ta-ad-da-bu-ba
60
ù be-el-ku-nu a-na-ku at-tu-nu-ma du-ka-šu a-wi-lam lu₂šu-uk-ka-li
ma-hi-iṣ qa-qa-di-šu iz-zi-zu-ma i-na pu-hu-ur ha-al-ṣí-im
62
na-pí-iš-tam i-du-ku-šu be-lí lu-ú i-di be-el a-wa-ti-ia ha-al-ṣum
i-ša-al-šu ša-ni-tam be-lí a-na ma-a-tim ka-li-ša
64
a-na ha-na**meš** ù i-da-ma-ra-aṣ sa-li-m[a-am] iš-ku-un
mi-nu-um ⌈i⌉-du-um-ma Išu-ub-ra-am i-ta-[ti-i]a i-sa-hu-ur
66
tu-ša nu-ku-⌈úr⌉-tu-um-ma ⌈x x x⌉ [la] ⌈wa ?⌉-[ta]-ar
i-na sa-li-m[i-im] ⌈ša⌉ [be-lí iš-ku-nu i-n]a ⌈pa-an⌉ e₂-ia ú-ul uṣ-ṣí
68
[ù i-na sa]-⌈li⌉-mi-im pa-ag-ri lu-uṣ-ṣú-ur
[be-lí a-n]a ha-al-ṣí-ia iš-ku-na-an-ni Išu-ub-ra-am
70
[a-na m]e-he-er be-lí-ia-a it-tu-úr-ma Iha-at-nam-mu-ru
[ša-ki-i]n ra-ma-ni-šu a-na me-eh-ri-ia i-na-aš-ši
72
[šum-ma li]-ib-bi be-lí-ia ki-ma ni-ka-as be el-lu-ut te-re-tim
[i-na ? mu (?)] ⌈⌉-kam -šu in-ni-pí-šu be-lí lu₂ urdu-sú
74
[li-iṭ-ru]-dam-ma ma-ha-ar Iha-⌈ià-sú ⌉-ú {⌈mu⌉}-mu⁹⁶
[ù sa-am-me]-e-tar ma-a-tum li-i[p-hu-ur]-ma
T. 76 [li-is-n]i-iq i-na u₄-mi-š[u-ma ša o o o]-ku
[o o o] ù a-ha-šu i-ba-ar-⌈ru⌉
78
[li-in]-né-me-er ù lu₂ urdu be-lí-ia
[li-i]š-te-em-mi a-wa-tum an-né-et-tum
⁹⁶ Sur signes en partie effacés. Il s'agit d'un repentir
car le scribe avait sans doute d'abord terminé sa
ligne avec le nom de Sammêtar finalement replacé
96
à la ligne suivante. On croit en effet deviner sur le
côté droit […] [a]m ⌈me⌉ ⌈e⌉ ⌈tar⌉.
BBVO – Band 24
80
C. i
82
[a-na be-lí-ia li-tu-r]a-am
[…]x -ti
[… la a]-ma-at
[a-na-ku mi-im-ma ú-u]l uṣ-ṣí
ii 84 lu₂ urdu be-lí-ia ar-hi-iš li-ik-šu-dam
ù as-sú-ur-re Išu-ub-ra-am
86
ù Iha-at-nam-mu-ru a-wa-tim an-né-tim
i-na-ak-ki-ru Iha-ià-sú-ú-mu / Isa-am-me-e-tar
iii 88 x[o o o o o o] ⌈mi⌉ […]
[o o o o o o o] ⌈mu⌉ x[…]
90
[…]
⌈lu₂⌉ha-z[a-an-n…]
an-né-em […]
¹² Dis à mon seigneur, ainsi parle Zakura-abī, ton serviteur. ³⁴ Auparavant, j’avais fait porter
une tablette chez mon Seigneur, disant : « Hatnammuru, ⁵ mon rival, est parti à Susā. ⁶ [Or],
Šūb-rām se trouvant avoir épousé sa sœur, ⁷ il n’a de cesse que d'élever [l'individu] au même
rang que moi. » ⁸ J’ai envoyé chez mon seigneur ce rapport. ⁹ À cause de ce que j’ai écrit à
mon seigneur, Hatnammuru ¹⁰ est allé chez mon seigneur à Mari ¹¹¹² et a parlé à mon seigneur comme ça l’arrangeait. Mon seigneur a fait (re-)conduire Hatnammuru avec Daganšadûni, disant : ¹³ « Va ! Réconcilie-le avec Zakura-abī. » ¹⁴¹⁵ (Puis) mon seigneur m’a
écrit ainsi : « Présentement, je viens de te rendre ton frère. À partir de ce jour, n’aie plus de
crainte. ¹⁶ Donc ne m’écris plus de mal sur Šūb-rām. » ¹⁷ À propos de ce que m’a écrit mon
seigneur, je me suis dit : « Dagan-šadûni, le serviteur de mon seigneur, ¹⁸ doit voir les choses
telles qu’elles sont. » J’ai rassemblé (les gens de) mon territoire, ¹⁹ et Hatnammaru et moimême nous nous sommes rapprochés. Mais il a été incapable de me donner satisfaction. ²⁰²¹
Étant donné que mon seigneur l’a fait revenir, je lui ai donné bœuf, homers de grain,
arpents de terre (avec?) semence, en (lui) déclarant : « Tiens-toi à mon service⁹⁷ ²² et contentetoi de boire et manger. » ²³ Cet homme s'est tenu à mon service (à peine) jours, ²⁴ a pris le
bœuf et le grain et s’en est retourné chez Šūb-rām. ²⁵ Pour sûr ! C'est un infidèle⁹⁸. ²⁶ Il a
désobéi aux ordres de mon seigneur. Les jours où Hatnammuru ²⁷²⁸ se tenait à mon service, il
a lié langue [à mon insu] avec mon vizir <et> mes umšarhum. Depuis ce moment-là ²⁹ [mon
territoire est troublé]. Au sujet de ce que mon seigneur m’a écrit, ³⁰ […] ils ont parlé. ³¹³² (Bien
que) la réponse à ma tablette ne soit pas venue, je suis allé au sacrifice en l'honneur d'Addu de
Zalpa’um (Zalpah). Lorsque je suis sorti de Zalluhān, ³³ Šūb-rām a équipé une troupe de
. hommes ³⁴ en déclarant : « Emparons nous de la ville de Zalluhān ! […] ³⁵ [C'est] notre
[ville] ! » La troupe qui devait faire des embuscades [face à la ville s'est mise en route]. ³⁶ (Mais)
⁹⁷ Littéralement : « assoie-toi devant moi. »
⁹⁸ Littéralement : « son oreille est posée vers l'ailleurs. »
97
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
le dieu de mon seigneur veille sur moi⁹⁹ ! [De Susā (?)] ³⁷³⁸ un espion est sorti et Sahlabanu,
l’homme de Gaššum m’a écrit. ³⁹⁴⁰ J’ai pris mes renseignements : (effectivement) [cet] homme
(Šūb-rām ?), avait placé [contre moi des embuscades]. ⁴¹ Moi, [j’ai craint ( ?)] pour l’approvisionnement en farine des Bédouins. ⁴² Si l’espion n’était pas venu ⁴³ et Sahlabanu ne m'écrivait
pas, ⁴⁴ il y a longtemps qu'ici-même Zalluhān serait prise. ⁴⁵ J’ai passé plusieurs ordres [à ma ville].
Dans la ville ⁴⁶ […] ; la garde a été renforcée et ⁴⁷ [l’ennemi] n’a rien pu faire. ⁴⁸⁴⁹ [La troupe]
était en embuscade devant la ville. Mais étant donné qu’elle n’a rien [(pu faire)], ⁴⁹⁵⁰ cette
troupe est (re)partie dans son pays à l'heure de la sieste. Le pays reste sur le qui vive. ⁵¹ Le
lendemain je suis rentré à Zalluhān et ⁵² j’ai réuni (les gens de) mon territoire. Je leur ai parlé
ainsi, ⁵³ disant : « Pourquoi me menacez-vous ainsi ? ⁵⁴ N’est-ce pas votre propre pays que
vous allez ruiner ? Suis-je moi-même trop dur pour vous¹⁰⁰ ? ⁵⁵ Si ce n’est plus moi votre
seigneur, dites-le ! Assurément je m’en irai ⁵⁶ pour qu’(au moins) ma vie soit saine et sauve. »
(Les gens de) mon territoire m’ont répondu ainsi, ⁵⁷⁵⁸ disant : « Empare-toi de celui qui a lié
langue avec ton adversaire et mets-le à mort. » Mais moi de dire : « moi-même, je ne tuerai
(personne). ⁵⁹ Si vous m’avez parlé sincèrement ⁶⁰ et que je suis votre seigneur, c’est vousmême qui devez l’exécuter. » (À l'encontre de) l’individu, mon vizir, ⁶¹⁶² ses accusateurs se
sont manifestés et ⁶²⁶³ ils l’ont tué dans l’assemblée même du territoire. Mon seigneur est
donc au courant : (les gens du) territoire ont réglé son compte à mon adversaire.
⁶³⁶⁴ Autre sujet, mon seigneur a instauré pour le pays tout entier, pour les Bédouins et l’IdaMaraṣ la paix. ⁶⁵ Qu’est-ce que je constate ? Šūb-rām veut me nuire ! ⁶⁶ Je crois bien que c'est
encore la guerre […]. Sans exagérer, ⁶⁷ dans la paix que mon seigneur a instaurée, je n’ose plus
sortir devant ma maison. ⁶⁸ En période de paix, il faut que je pense à me protéger ! ⁶⁹ C’est
mon seigneur qui m’a installé dans mon territoire. Šūb-rām ⁷⁰⁷¹ est-il devenu l’égal de mon
seigneur ? Hatnammuru, son propre préposé, il le met à égalité avec moi ! ⁷² [Si] cela convient
à mon seigneur, que comme s’il s’agissait du règlement de compte d’une charge administrative
⁷³⁷⁴ ayant lieu une fois dans [l’année], mon seigneur envoie un de ses serviteurs et qu’en
présence de Hāya-Sūmu ⁷⁵ et Sammētar, le pays soit rassemblé ⁷⁶ et qu’il (l’)inspecte.
Qu’aujourd’hui [même, …] ⁷⁷ [… et (qui)] s’insurge contre son frère ⁷⁸ [soit con]fondu¹⁰¹ !
Que le serviteur de mon seigneur ⁷⁹ en prenne bonne note et puisse cette affaire ⁸⁰ [être
rapportée à mon seigneur] ! ⁸¹ […], ⁸² […] Je ne veux pas mourir ! ⁸³ [Moi, je ne peux plus du
tout] sortir. ⁸⁴ Il faut qu’un serviteur de mon seigneur arrive rapidement. ⁸⁵ Je crains que Šūbrām ⁸⁶⁸⁷ et Hatnammuru ne s’offusquent de tels propos. Hāya-Sûmu, ⁸⁸ Sammētar […]. […]
Le représentant […] ce […].
l. : la notion de bēl awātim est ici l'équivalent négatif de kelṭum ou bēl kussîm, le rival politique d'un roi, l'ayant
droit, le compétiteur généralement en exil et qui attend son heure.
l. : mehrūtum figure en tant qu’hapax dans CAD M/2, *mihrūtu, p. : KBo I 1, l. - (traité de Šattiwaza) : ù
munus-tum ša-ni-tum e-li [dumu-ti-ia], ra-bi-tù ia-nu munus-tum ša-ni-tum a-na mi-ih-ru-ut-ti-ša la-a tù-ma-aš-
⁹⁹ Littéralement : « se tient au-dessus de moi. »
¹⁰⁰ Ou « vous suis-je devenu insupportable ? »
98
¹⁰¹ Littéralement : « qu'il soit vu. »
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Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
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Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
šar = « (Nulle) autre femme ne sera d'un rang plus grand que ma fille. Tu ne permettras à aucune autre femme
(d'accéder) au même rang qu'elle. »
l. - : le passage est légèrement ambigu : est-il encore question de Hatnammuru ou déjà de Šūb-rām mentionné à
la fin du discours. S'il est bien question du premier, on pourrait comprendre : « j’en ai fait ton frère. » Le suzerain
ferait des deux rivaux les membres réconciliés d'une même fratrie. Il serait curieux que Zimrī-Lîm malgré tout ait
voulu les mettre au même rang comme s'il n'était pas envisageable de faire de Hatnammuru le simple serviteur, voire
le fils de Zakura-abum. En fait, cette interprétation est confirmée par ARM XXVIII 53 mais s'applique à des rivaux
de Zakura-abum, des frères, parmi lesquels se trouvait Hatnammuru : (l. ) : [lu₂-me]ša-ah-hi-ka lu-te-ra-kum = « Je
vais te rendre/renvoyer tes frères. »
l. : sanqātum pl. de saniqtum = « ce qui est exact », « vérifié » ou « avéré ». L’inspection va de pair avec un
rassemblement de la population de Zalluhān. L’envoyé du roi de Mari pourra donc juger de l’opinion des gens du
royaume sur cette question. Cf. CAD S saniqtum p. . Le thème est repris (demande d’une nouvelle inspection
plus approfondie) en fin de courrier (l. -) avec une insistance intéressante sur le caractère administratif que doit
revêtir une telle mission.
l. : l'association entre le verbe pahārum et sanāqum figure aussi l. -. C'est le pays rassemblé qui assisterait à
l'examen de ses dirigeants. Mais la forme verbale peut être analysée de différentes façons et le sémantisme de SNQ est
riche. De plus, on peut hésiter à faire de la phrase qui suit (« il n'a pas pu me répondre ») la conclusion de l'assemblée
ou un constat qui anticipe le comportement décevant et même malhonnête qu'a ultérieurement eu Hatnammuru. J.M. Durand suppose à nissaniq un sens réciproque : « “Nous nous sommes mesurés (dans une joute où chacun
énonce ses griefs) et, lui, il n'a pu me répondre ” » (= je lui ai cloué le bec). « Ce genre de joute bédouine est très
intéressant, car on le voit dans des débats entre philosophes ou théologiens à l'époque classique. Le vainqueur réduit
102
BBVO – Band 24
l'autre au silence par la force de ses arguments. Le sens de SNQ signifie “s'approcher” éventuellement pour critiquer ;
ce pourrait être le sens ici : “ nous nous sommes mutuellement critiqués, nous nous sommes fait des reproches.” »
l. : a-ša₃ še-numun forme ou non une seule expression (« champ ensemencé » ou « champ et semence ») ; cf. FM
VII 36 : et où figure la même ambivalence. Ainsi les homers correspondraient uniquement à la nourriture
de la « maisonnée » de Hatnammuru en attendant la récolte. Ce passage implique d’ailleurs que le bénéficiaire est
venu avec sa suite puisque le roi de Zalluhān ne lui a pas attribué de domestiques. Le bœuf doit lui permettre de
cultiver sa parcelle. Il est aussi évident qu'il ne possède alors aucune propriété qui puisse le faire vivre dans l'ancien
royaume de son père.
l. : c'est une indication sur l’oisiveté recommandée à un membre de la noblesse. Il ne va pas lui-même exploiter
sa parcelle.
l. - : ce brusque tutoiement est assez courant dans les lettres du Nord et tout particulièrement chez les chefs
bédouins, comme Zakura-abī l'a été par le passé. Pour uka (restitué d'après une suggestion de J.-M. Durand), cf.
CAD U/W, p. . La traduction précise de cet adverbe (connu aussi sous la forme uqa)¹⁰² n'est pas établie ; cf.
l'analyse qu'en propose J.-M. Durand, LAPO 16, p. note b. Les listes lexicales qui le mettent en équation avec
le sumérien i-gi-in-zu ou ga-nam le placent entre tuša et piqat.
l. : pour la graphie d'umšarhum, cf. M.5413 : et . Même si l'on pourrait envisager que ce terme désigne le
statut du vizir ce qui serait fort intéressant pour la compréhension de cette catégorie sociale, il est plus probable que
le scribe a omis la coordination. Cela s'explique par le fait que le scribe de Zakura-abī peut utiliser ú comme coordination ; cf. A.3280, '.
l. : . hommes, cela paraît beaucoup pour l'armée de Susā. Il ne peut s’agir que d'une exagération typique.
l. : on pourrait comprendre : « la ville est à nous ! » Puisque Šūb-rām soutient Hatnammuru son beau-frère,
cette prétention n'aurait rien d'étonnant.
l. : l’expression eli NP izuzzum d’après ce contexte doit être équivalente de izuzzum + acc. « assister quelqu’un ».
Elle est répétée dans A.3280 : ’-’ et peut-être encore l. ’-’. Au figuré l'expression signifie : « le dieu de mon
seigneur se tient sur/au-dessus de moi. »
l. - : il s'agit sans doute d'une référence à Šūb-rām. D'après la l. « awīlam šukkallī » on pourrait aussi penser
à restituer a-wi-lum [lu₂šu-ka-al-li].
l. : pour l’expression qēmam ṣudê ša Hana, CAD Ṣ ṣudû, p. : (pi) zid₂-da ṣú-de-e ì-lí-a-a-ba-ni-ša lu₂kiĝ₂gi₄-a ša da-gan-ma !-an = « pi de farine, provision de voyage d'Ilī-ayyaba-niša messager de Dagan-ma-ilum » (VAS
XIII 48 : ).
l. - : pour les expressions en šumma(m)an, cf. N. Wasserman, LANE 3, Winona Lake, 2012, p. -. La
protase peut comporter un verbe à l'accompli ou à l'inaccompli. L'exemple de A.2822+ illustre un cas où la protase
comporte deux verbes successifs, le premier à l'accompli, le second à l'inaccompli. Une lettre inédite d'Itūr-Asdu
(A.2831 : '-') en donne un autre exemple : šum-ma-ma-an lu₂meš urdu be-lí-ia la ad-di-iš-šum-ma la i-na-ṣa-rušu iš-tu ma-ti-ma-an Isa-am-mé-e-ta[r] uš-ta-mi-is-sú = « Si je ne lui avais pas donné hommes serviteurs de mon
seigneur et s’ils ne le protégeaient pas/ne l'avaient pas protégé, depuis longtemps Sammêtar l’aurait fait tuer. »
l. : le sens du verbe naṭālum pourrait ici convoyer l’idée d’éveil : « il reste en alerte », soit au contraire de
passivité : « il attend », « il ne fait que regarder (en attendant la suite) ».
l. : Zakura-abī utilise l’expression dans un autre contexte, M.5413, mais il est question de ses relations avec Šūbrām. On peut se demander si l’apodose d’un article de la série ominale Šumma izbu n'offre pas une autre possibilité
de traduction : mātu (kur) eli (ugu) šarri (lugal) idanninma šarra (lugal) ušeṣṣi (zi) […] = « Le pays prendra
l’ascendant sur le roi et chassera le roi… » (CT 27, pl. K.3865 rev. l. )¹⁰³. Cet omen négatif prédit l'inversion des
rapports entre un roi et ses sujets. Dès lors à la lumière de cet exemple, la phrase de Zakura-abī pourrait être
comprise ainsi (litt.) : « Suis-je plus fort que vous ? », soit « ai-je (encore) du pouvoir sur vous ? » C’est une question
rhétorique.
¹⁰² Cf. N. Wasserman, LANE 3, Winona Lake, 2012,
p. -.
¹⁰³ D’après CAD D danānu, p. .
103
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
l. - : māhiṣ qaqqadim = « accusateur » comme dans la lettre de Yatar-Ami LAPO 16 252 [ARM XXVIII 20] (cf.
aussi CAD M/1 p. a). On trouve ici un nouvel exemple d’exécution collective. Sur ce thème, cf. M. Guichard,
« La lapidation à Urgiš », NABU 2004/29.
l. : pour N. Wasserman (cf. également le commentaire au texte suivant, A.3280 : ') la particule tuša désigne une
« fausse supposition » (« false assumption »). Dans le cas présent, la supposition est a priori inexacte puisque le roi de
Mari est censé avoir instauré la paix. Cette particule tuša marque le décalage ou l'inadéquation qu'il y a entre les
apparences et la réalité. Dans le cas de A.2822+, le locuteur (Zakura-abī) subit personnellement une épreuve qui le
conduit à modifier son point de vue sur la réalité qui l'entoure. L'auteur n'admet pas encore que l'état de paix a
vraiment remplacé l'état de guerre. Or, dans le message suivant le doute est dissipé, la nuance qu'apporte tuša a
disparu (A.3280 : ') : [i-na-an-n]a nu-ku-úr-tum ša-ak-na-a[t] = « À présent la guerre est déclenchée. »
l. - : information remarquable sur les pratiques administratives, en partie confirmée pour certains bureaux du
palais de Mari, mais dont le caractère systématique et universel est loin d’être assuré. On peut se demander si l’image
de l'« apurement des comptes » de Zalluhān n'indique pas le caractère récent de l'installation de Zakura-abum
comme roi de Zalluhān.
l. : cette hypothèse de restitution s’appuie sur A.3280 : ’.
n°3 : A.3280
[Zakura-abī au roi]. L’état de guerre étant installé, Z.-a. s’interroge sur sa propre sécurité.
Lacune. Après une démarche de Z.-a., le roi d’Ilān-ṣūrā impose aux rebelles de Zalluhān d’aller
à Mari prêter un serment d’obéissance.
[o o o o o o o o] ⌈i ?⌉-⌈na ?⌉ s[a ?-li-mi-im (?)…]
[i-na-an-n]a nu-ku-úr-tum ša-ak-na-a[t]
[Iš]u-ub-ra-am ri-qí-iš-ma pa-ni-šu iš-[ku-un-ma]
i-ta-ti-ia is-hu-ur ú diĝir-ka e-li-i[a]
iz-zi-iz-ma pa-ag-ri aṣ-ṣú-ur a-li ki
i-ra-am-ma-an-ni ú° a-na ri-qa-tim Išu-ub-ra-am
ú-da-ab-ba-ba-an-ni pa-ag-ri i-na mi-nim
a-na-aṣ-ṣa-ar tu-ša lu₂-diri-ga-[k]a {⌈ma?⌉}
ú-lu-ma lu₂ bi-ir-tam ša ma-a-tim a-[y]i-ti-im-ma
⌈ú⌉-še-ri-ba-am-ma i-na-aṣ-ṣa-ra-an-ni
[a-l]i-ma ki i-na-aṣ-ṣa-ra-an-ni-⌈i¹⁰⁴⌉-ma e-li a-li-ia
⌈ú-ul⌉ [ta-za-az (?)] ⌈a⌉-li-ma li-ša-la-an-ni {⌈X X⌉}
aš-šum Išu-ub-ra-am ⌈i⌉-ta-t[i-i]a ⌈is⌉-h[u-ru]
a-na be-lí-ia ki-a-am aš-pu-⌈ra-am⌉ [um-ma a-na-ku-m]a
la a-ma-at be-lí lu₂ urdu-sú ta-a[k-la-am]
li-iṭ-ru-dam-ma m[a-ha-ar]
2’
4’
6’
8’
10’
12’
14’
16’
¹⁰⁴ La lecture ⌈šum⌉ n'est pas exclue mais la négation
ul qui suit poserait problème.
104
BBVO – Band 24
ha-ìa-sú-ú-mu ù lugalmeš ⌈ša⌉ i-da-[ma-ra-aṣ]
a-na-⌈ku⌉ [o] x x x x [o] x […]
(…)
ú [a-na ha-ià-sú-ú-mu]
ki-a-[am aš-pu-ur um-ma-a-mi a-la-nu ša it-ti-ia]
i-ki-ru [a-na ma-ri ki a-na ṣe-er be-lí-ni]
li-il-li-ku-nim-[ma lu₂šu-g]i₄?m[eš?-šu-nu]
ma-ha-ar i-túr-me-[er li-i]z-ku-[ru]
um-ma-a-mi za-ku-ra-a-bi la ni-ba-⌈ru⌉
ṣa-bu-um i-na a-li-ni a-na ba-ri-šu
la ú-ṣú-ú Iha-ià-sú-ú-mu Isa-aq-qa-am
ù Ii-bi-ra-am a-na az-ni-ba-at° iš-pu-ur
⌈um-ma-a⌉-mi iš-tu ta-ak-ki-ra
⌈ lu₂šu-gi₄meš-ku⌉-[nu] a-na ma-ri ki
li-il-li-ku-ma ma-ha-ar i-túr-me-er
li-i[t]-mu-⌈ú⌉ Isa-aq-qum -šu il-li-ik-ma
[ha-da-na-am a-na] u₄ -kam iš-ku-un-šu-nu-ši-im
[a-di il-li-ku-n]im a-wa-tim ka-la-ši-na
[o o o o o a]m-ma-ar
[…] x
-šu
[o o o o o o] ⌈x⌉ be-lí ⌈lu-ú i ⌉-di
I
18’
R.
2”
4”
6”
8”
10”
12”
14”
16”
18”
¹' […] Dans la paix […]. ²' À présent la guerre est déclenchée. ³'⁴' Šūb-rām a vainement
entrepris de me nuire¹⁰⁵. ⁴'⁵' Mais ton dieu m’a assisté et je me suis (bien) défendu. Ma ville
⁶' m’aime. ⁶'⁷' Ainsi donc Šūb-rām me cherche noise pour rien. ⁷'⁸' Pourquoi dois-je donc me
défendre ? ⁸'¹⁰' (Sans doute que) si j'avais fait entrer (dans ma ville) des supplétifs de ton
armée ou bien des hommes de garnison d'un quelconque pays, ils me défendraient (mieux).
¹¹' Ma ville même comment me défendra-t-elle ? ¹¹'¹²' Et (si) [tu (?)] n'[apportes assistance] à
ma ville, ma propre ville me demandera forcément des comptes ! ¹³' Concernant le fait que
Šūb-rām [a cherché à me] nuire, ¹⁴' j’ai écrit à mon seigneur ainsi : ¹⁵'¹⁶' « Je ne veux pas
mourir ! Que mon seigneur m’envoie quelqu’un, un serviteur de confiance. ¹⁶'¹⁸' Que devant
Haya-Sūmu et les rois de l’Ida-Maraṣ, moi-même […] »?. […].
[…] ¹”⁴” [J’ai écrit à Hāya-Sūmu] ainsi : [« Que les (habitants des) villes qui me] sont devenus
hostiles aillent [à Mari, chez notre seigneur. Que de leurs Anciens] ⁵” jurent devant Itūr-Mēr :
⁶” “Nous jurons de ne plus nous révolter contre Zakura-abī ! ⁷”⁸” Nous jurons qu’aucune
troupe ne sortira de nos villes pour se révolter contre lui !” » ⁸”⁹” Hāya-Sūmu a envoyé Saqqum
et Ibirum à Aznibat (avec le message) : ¹⁰” « Puisque vous êtes devenus hostiles, ¹¹”¹²” que
¹⁰⁵ Littéralement : « de rôder à ma frontière. »
105
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
quatre de vos Anciens aillent à Mari et ¹²”¹³” qu’ils prêtent serment devant Itūr-Mēr. Saqqum
(y) est allé deux fois et ¹⁴” leur a fixé [un terme] pour le . ¹⁵” [En attendant qu'ils (y)
aillent], toutes les paroles ¹⁶” […] J’observe. ¹⁷”¹⁸” Son […]. Mon seigneur est au courant.
Note : le serment que doivent les villes rebelles aux l. ’-’ nous donne le nom de l’auteur de la lettre : Zakura-abī
roi de Zalluhān.
l. ’-’ : cf. A.2822+ : l. .
106
BBVO – Band 24
l. ' : pour la particule modale tuša, cf. N. Wasserman, LANE 3, Winona Lake, 2012, p. -. Zakura-abum se
sent toujours menacé de mort, même s'il s'est tiré d'un péril. Il minimise le danger intérieur, considère qu'aucune
protection de la ville ne sera efficace. Il souligne que la menace vient de l'extérieur, c'est-à-dire de Šūb-rām. Pour lui,
le véritable salut viendrait d'une pression diplomatique exercée sur Šūb-rām par Zimrī-Lîm.
l. ' : on sait que cette dernière expression est un euphémisme pour « mettre à mort ».
l. ’-’ : le passage reprend probablement le contenu de A.2822+ : - (en particulier -). L’auteur ne cite
pas verbatim. La citation pourrait s’arrêter l. ’.
107
Michaël Guichard
Nouvelles données sur Zalluhān, un petit royaume des bords du Habur
Conclusion
Cette courte étude sur un petit royaume du Triangle du Habur a mis en valeur le caractère
sédentaire de Zalluhān qui faisait aussi partie d'une région plus connue pour l'importance de
sa population pastorale. La localisation approximative de Zalluhān est rendue certaine par un
projet d'itinéraire qui suivait le cours supérieur du Habur établi par un chef bédouin. Bien que
située dans une zone sèche, Zalluhān n'était pas la seule ville sise sur le Habur : en aval se
trouvaient Tarnip et Qirdahat. Cependant cet emplacement, indéniable du point de vue des
textes, contredit l'idée que la zone n'ait été hantée que par des campements nomades.
L'importance du rôle des nomades principalement bensimalites dans ce secteur est néanmoins amplement illustrée par la documentation épigraphique. Pour autant, sur les bords du
Haut-Habur, au début du règne de Zimrī-Lîm, deux petits royaumes, l'un centré sur Qirdahat,
l'autre sur Zalluhān ont bien existé. Qirdahat a rapidement été déchue de sa fonction de
capitale au profit de Susā qu'il faut rechercher plus au nord en direction de Tell Chagar Bazar.
Les traces archéologiques de Zalluhān, à laquelle on peut prêter au moins un siècle d'existence
d'après les textes, auraient entièrement disparu de la vallée, son tell ayant après tout pu être
emporté dans le Habur. Quoi qu'il en soit le palais de Zalluhān qui abrita la reine Inib-šarri
doit avoir été un édifice assez important et répondant bien aux normes architecturales des
cours amorrites pour être jugé digne d'accueillir la fille d'un roi de Mari.
Ce petit royaume avait certes des liens étroits avec les Bensimalites puisqu'il se trouvait situé
dans leur zone de pâture. Trois faits ont illustré les rapports entre Zalluhān et les nomades ; ils
se déduisent des dires de Zakura-abum, qui avait des intérêts personnels à défendre la cause des
Bensimalites. D'une part, Zalluhān est présentée par lui comme une potentielle réserve de
grain pour les Bédouins ; d'autre part, elle avait la possibilité d'être « naturalisée » bensimalite,
même si tout indique que, de fait, elle faisait plutôt partie de la « communauté » de l'IdaMaraṣ, c'est-à-dire était une des villes du Haut-Habur. Enfin, Zakura-abum lui-même, avant
de devenir roi de Zalluhān, a été un des grands chefs des Bensimalites de la région. Il a sans
doute été mer‘ûm, titre le plus élevé dans la hiérarchie bédouine. Avant même de devenir roi, il
semble avoir eu une résidence à Zalluhān. Puis avec le soutien de Zimrī-Lîm, il monta sur le
trône de Zalluhān. De chef bédouin il devint donc roi d'une ville.
Vers - (chronologie moyenne) les berges du cours supérieur du Habur étaient sur
le point d'être complètement tenues par les pasteurs bensimalites (l'échec de la succession de
Zakura-abum ne fut tout au plus qu'un accroc dans cette évolution). Zalluhān, dont l'apogée
se situe sans doute avant la conquête de Samsī-Addu et qui était (encore) susceptible, sous la
domination ékallatéenne, de rassembler une armée importante jusqu'à sa défaite face à IšmeDagan, fut peut-être le dernier témoin d'une phase urbaine amorrite de courte durée dans
cette zone supposée ingrate pour l'agriculture¹⁰⁶.
¹⁰⁶ Tous mes remerciements à J.-M. Durand, N. Zieg-
ler et A. Jacquet pour leurs relectures et précieuses
remarques.
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